Dans ce livre de 106 pages, Ange Kasongo Adihe raconte ce qu’elle a, elle-même, vu, entendu, senti et ressenti dans l’un des quartiers célèbres et atypiques de la ville de Kinshasa. Publié aux éditions du Pangolin, « Les Femmes de Pakadjuma » résume le constat de l’auteure et les témoignages recueillis dans ce bidonville de près de 10 milles âmes situé à moins de 15 minutes de la Gare Centrale.
« Son envie de raconter l’histoire des femmes de Pakadjuma vient aussi du besoin pressant de casser les clichés véhiculés par certains habitants de Kinshasa à propos de ce quartier qu’ils ne fréquentent pourtant pas », écrit Ange Kasongo Adihe (P10).
Pour mieux illustrer son ouvrage, l’auteur a crée un personnage fictif nommé Ophélie, qui, après avoir passé 10 ans en France pour des études, décide, à 27 ans, de revenir dans sa ville natale et vite va visiter le coin qui l’a vu naitre, Pakadjuma.
Page après page, ce récit ressemble, plutôt, à une œuvre autobiographie puisque son auteure s’est incrustée au cœur de l’histoire pour ressortir tous les détails possibles.
« C’est lourd de dire que j’habite Pakadjuma. Parce que, c’est vu comme le marché de sexe. »
« Le regard sur cette localité a commencé à changer dans les années 1997 lorsqu’un mouvement politique a pris le pouvoir. Des nombreux militaires qui avaient fait venir leurs membres de famille vivre à Kinshasa n’avaient plus des moyens pour subsister. Les parties de terre plus ou moins vides étaient devenues une proie», précise l’auteure, qui reprend plusieurs témoignages dans cette œuvre littéraire :
Eyenga 32 ans et mère de 4 enfants « Je m’essayais dans les affaires vers l’Angola à partir de la frontière dans le Kongo Central comme beaucoup de s jeunes filles le font mais je me suis plantée. L’année dernière, une bonne partie de mes économies a été volée. Alors, oui, j’assume. C’est à ce moment là que j’ai décidé de me lancer dans la prostitution pour subvenir aux besoins de mes garçons. C’était plus facile comme ça ! je suis consciente de ce que je fais parce que je dois assurer et ne pas avoir mendier dans ma famille (…) J’ai quatre garçons. Je souhaite une bonne éducation pour mes enfants. C’est pour cela que je préfère aller me prostituer loin de Pakadjuma. Je pars sur la Place Victoire dans le quartier Matonge (…) je continue à penser que je vais arrêter lorsque je mettrai un peu d’argent de côté pour reprendre mes affaires»
Dorcas 18 ans, étudiante en droits à l’Université de Kinshasa, dit de ne pas avoir le courage d’inviter ses camarades de Fac chez elle : « Vous imaginez ce que je représente à Pakadjuma pour les kinois ? On y voit que des antivaleurs. Les gens se permettent de juger notre localité de l’extérieur, trop d’a priori sur Pakadjuma. A la Fac, je n’ai jamais dit que j’habitais à Pakadjuma. Quel sera le regard des garçons sur moi à ce moment-là. Lorsque je suis née, il n’y avait pas toutes ces maisonnettes avec les filles qui s’improvisent prostituées pour quelques petites billets de francs congolais (…) Le quartier a commencé à se dégrader avec l’arrivée des villageois venus de la province de l’Equateur. Ils ont trouvés qu’ils pouvaient se construire des logements à la vas vite comme au village et du coup ils ont fait appel à leurs membres de familles. On a remarqué que Paka a commencé à se remplir petit à petit (…) En 2006, je me souviens lors des troubles post électorales entre les hommes de Jean-Pierre Bemba et les soldats de Joseph Kabila, nous n’avions pas passé nuit chez nous. Mes parents avaient reçu l’information selon la quelle, les jeunes du quartier souhaiteraient venir casser notre maison. Tout était dû au fait que nous soyons de l’Est, swahiliphones comme le président et ici la majorité des habitants sont de l’Ouest lingalaphone comme Jean-Pierre Bemba ».
Pour Ange Kasongo, qui va présenter ce livre ce mardi 21 mai 2019 à l’Ifasic, donner la parole à ses habitats semblait la meilleure manière de raconter la vie de ce bidonville.
Onassis Mutombo