Guitariste-soliste mythique, ancien de Zaiko Langa-Langa Nkolo Mboka, leader de New-Zaïko, musicologue, professeur d’Université, arrangeur… A 64 ans, Pépé Felly Manuaku a célébré à Kinshasa les 50 ans de sa carrière musicale. Arts.cd est allé à la rencontre de l’un de ceux qui ont écrit en lettres d’or l’histoire de la musique congolaise. (Rencontre)
50 ans après, qu’est-ce qui a changé dans le personnage mythique de Felly Manuaku ?
Ce qui a changé ? Peut-être j’ai atteint une certaine maturité… mais la personne est restée la même. Rien n’a changé.
50 ans après, quels sont les actifs et les passifs de Pépé Felly Manuaku ?
Les actifs et le passif… C’est difficile de répondre à cette question. Dans le contexte artistique, il appartient aux historiens et aux critiques d’art de pouvoir procéder à l’inventaire. Mais à moi de parler de moi-même, de soi-même, ce n’est pas évident.
« Je suis vraiment ouvert à pouvoir partager mon expérience«
Après 50 ans, est-ce que vous avez pensé à la relève ?
Bon… la relève est là ! La relève se prépare. Le New-Zaïko, le groupe qui est en train de travailler avec moi à Kinshasa, est composé de jeunes hommes qui ont l’âge de mes propres enfants. Alors pour moi, c’est une façon de leur transmettre le travail. Et je leur apprends les artifices du métier. Et je partage avec eux ma propre expérience, mon parcours. Et mes propres enfants aussi sont artistes.
L’aîné de mes garçons est au Conservatoire au Canada. Il a entrepris une démarche qui consiste à amener la rumba congolaise dans la musique classique. Vraiment, je lui souhaite bonne chance pour cette démarche. J’ai la conviction qu’il va réussir. Il finira par trouver les possibilités pour asseoir ces clichés dans la musique classique. Dans l’entre-temps, il enseigne aussi la musique là-bas. Il a son groupe de Gospel. Dernièrement, il était même en tournée en Chine. Son premier album dont j’ai eu le privilège d’assurer la direction artistique, j’étais surpris de l’écouter dans la playlist dans le vol d’Ethiopia Airlines. Avec cet album de Trésor Manuaku et les autres cités, la relève est assurée.
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« un bon guitariste doit remplir un certain nombre de critères »
Vous portez plusieurs casquettes à la fois, notamment celle d’un instrumentiste qui a su traverser le temps. Selon vous, la musique congolaise évolue ?
Oui, la musique congolaise évolue tant bien que mal. Comme dans toutes les musiques, on trouve de bonnes et de mauvaises. Comme tous les aliments ne sont pas bons. On a la bonne nourriture et on a aussi de la mauvaise nourriture. Mais en présence, ça dépend. Ce qui peut être bon pour moi, ne le serait pas forcement pour vous. C’est comme ça aussi. C’est la même la chose avec la musique congolaise.
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Actuellement, est-ce que le métier de guitariste soliste attire encore ?
D’abord, je dois dire qu’un soliste n’est pas seulement un artiste libre. Dans mon groupe New-Zaïko, quand je fais le casting pour emboucher un guitariste, j’accepte celui qui peut me faire autant de la rythmique que du solo.
En fait, le soliste peut être un trompettiste, un flutiste ou bien un chanteur aussi quand il fait la voix lead. Même le batteur peut l’être aussi. Alors, parler des guitaristes lead ou bien accompagnateurs, chez moi ça n’existe pas. On est guitariste tout court. Et, un bon guitariste doit remplir un certain nombre de critères, notamment un bon rythmicien.
Vous évoluez actuellement entre la RDC et la Suisse. Y-a-t-il un calendrier pour votre groupe New-Zaïko et de l’autre côté, y a-t-il des projets pour la RDC ?
Alors, peut-être vous ne le savez pas… je suis professeur visiteur à l’Université de Lumerik en Irlande. J’y vais deux fois l’an, à la session de ‘’World Musique’’. Là, j’enseigne les étudiants de la licence et ceux du doctorat en musique. Et pendant ce voyage-là, j’ai eu l’opportunité de discuter avec le DG de l’INA, le professeur Yoka Lye qui a fait intervenir même le chef des travaux, CT Maluengo, pour que je puisse partager mon expérience avec les étudiants de l’Institut national des Arts. Parce que tout n’est pas rose. Il y a des trucs faciles autant il y en a de difficiles. Il y a des chemins qu’on peut suivre et ceux qu’on ne peut pas. Il y a tout dans tout.
Et, cette reconnaissance qui revient ici au pays, à mon égard, me fait énormément plaisir. Et puis, je suis vraiment ouvert à pouvoir partager mon expérience avec ceux qui s’intéressent à embrasser ce métier qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
« 50 ans de carrière, la suite sera à l’Université Limerik en Irlande »
Et, peut-être pour la jeune génération, est-ce qu’après cet hommage il y a d’autres programmes ?
Oui ! Ce programme des festivités de 50 ans de ma carrière va se passer pendant toute une année. Il a commencé vendredi 26 octobre 2018 à Kinshasa, et va couvrir toute l’année 2019. Et, la suite sera en Irlande, plus précisément à l’Université de Limerick, où l’on s’organise déjà à cet effet. Et puis, c’est ça qui a interpellé des amis, des frères d’ici sur place. Ils se sont dit : Les 50 ans de carrière de Pépé Felly Manuaku doit commencer là où il a démarré sa carrière.
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C’est ça la raison qui fait que les amis se soient retrouvés vendredi 26 décembre 2018, pour éviter aux Congolais la honte. Vraiment, je remercie les associations et tous les amis qui ont pris l’initiative d’organiser une cérémonie pour les 50 ans de ma carrière.
Pensez-vous que la rumba congolaise perd sa place au niveau africain ?
En fait, c’est comme une roue qui tourne. C’est un cycle. Il y a le nouveau cycle qui va s’ouvrir. Donc, pas de panique. Il y a un tout nouveau cycle qui va se remettre sur le rail. Pas de soucis. Merci à vous pour cet honneur.
Onassis Mutombo
Propos recueillis