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Colloque sur la rumba congolaise: « Le patrimoine immatériel est aussi important pour résoudre les problèmes contemporains (…) »

Il se tient à Kinshasa, le Colloque international sur la rumba congolaise en vue de son inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel de l’humanité. La RDC, rejoint par la République du Congo, veut cette fois-ci aller jusqu’au bout après plusieurs faux pas. Un dépot de candidature conjointe se prepare d’ici le 26 mars 2020. Après deux atéliers à Brazzaville et à Kinshasa, ce colloque du 12 au 13 mars 2020 permettra ainsi aux deux pays de se placer sur orbite par rapport à cette demarche.

En dessous, l’intégral du discours du Représentant – Chef du Bureau de l’UNESCO RDC lu, le 11 mars 2020, par monsieur Augustin Bikale lors de la soirée rumba en prélude de ses assises au Musée National de la RDC.

C’est pour moi un grand plaisir de me retrouver dans ce cadre du Musée National de la RDC, à l’occasion de cette cérémonie officielle de lancement du Colloque international sur la Rumba congolaise.

Je voudrais féliciter les gouvernements des deux Congo et en particulier les Ministres de la Culture ici présents, qui témoignent de la volonté politique et du ferme engagement des leurs Etats respectifs de s’associer pour préparer ensemble le dossier de candidature de la Rumba congolaise pour son inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Permettez-moi de rémércier la Commission Nationale Rumba, ainsi que la Délégation Générale Wallonie Bruxelles d’avoir associé à cet événement l’UNESCO, votre Organisation, qui est à vos côtés depuis aujourd’hui 60 ans en RDC. Ceci témoigne d’un partenariat naturel, véritable et fécond pour la promotion du patrimoine culturel congolais.

Depuis la ratification de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (convention de 2003), la République Démocratique du Congo (en septembre 2010) et par la République du Congo (en décembre 2010), ces deux pays ont mené beaucoup d’actions dans le cadre de la mise en oeuvre de cette dernière.

Lors de différentes rencontres avec les acteurs culturels et les communautés, des éléments du patrimoine culturel immatériel ont souvent été identifiés, dont certains sont partagés par plusieurs communautés, et parfois jusqu’au-delà des frontières nationales.

Il faut donc noter que depuis cette ratification, plusieurs conditions se sont mises en place dans ces deux pays pour que la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel devienne effective, et que l’inscription de certains éléments soit envisagée. Dans les dossiers de candidature, il est demandé à l’(aux) État(s) partie(s) soumissionnaires de démontrer qu’un élément proposé pour l’inscription sur la Liste représentative répond à l’ensemble des critères suivants :

  1. L’élément est constitutif du patrimoine culturel immatériel tel que défini à l’article 2 de la Convention.

  2. L’inscription de l’élément contribuera à assurer la visibilité, la prise de conscience de l’importance du patrimoine culturel immatériel et à favoriser le dialogue, reflétant ainsi la diversité culturelle du monde entier et témoignant de la créativité humaine.

  3. Des mesures de sauvegarde qui pourraient permettre de protéger et de promouvoir l’élément sont élaborées.

  4. L’élément a été soumis au terme de la participation la plus large possible de la communauté, du groupe ou, le cas échéant, des individus concernés et avec leur consentement libre, préalable et éclairé.

  5. L’élément figure dans un inventaire du patrimoine culturel immatériel présent sur le territoire de(s) (l’)État(s) partie(s) soumissionnaire(s), tel que défini dans l’article 11 et l’article 12 de la Convention.

Je fais confiance aux experts qui pensent tous que la Rumba remplit tous ces 5 critères pour figurer sur cette prestigieuse Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. A l’heure où le monde traverse une crise économique qui affecte profondément la vie matérielle de millions de personnes, la sauvegarde des expressions du patrimoine immatériel peut sembler un exercice étonnamment dérisoire. Pourtant, le patrimoine immatériel des sociétés et les expressions que leurs membres décident de se transmettre au fil du temps constituent le socle des identités et la raison d’être des comportements humains. Sauvegarder le patrimoine immatériel des communautés, c’est les aider à sauvegarder leur vivre ensemble, à entretenir leur cohésion sociale.

Le patrimoine immatériel est aussi important pour résoudre les problèmes contemporains que les moyens financiers et les ressources naturelles dont les peuples disposent. Comme le rappelle le rapport du PNUD sur le développement humain, ce sont les personnes qui sont la vraie richesse d’une nation, non les choses. Si l’humanité dilapide son patrimoine immatériel à la vitesse où elle entame ses ressources naturelles, elle amoindrit d’autant ses capacités d’interprétation du réel, son aptitude à gérer son environnement et réduit l’éventail des solutions ouvertes à l’esprit humain pour anticiper l’avenir. La convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, ratifiée par plus de 130 pays, ouvre un espace de solidarité, de découverte et de rencontre des expressions de toutes les cultures du monde. Elle est un instrument de paix. Elle est en outre un moyen d’élargir nos grilles de lecture du monde.

Je voudrais lancer encore une fois un Appel du coeur aux gouvernements des deux Congo mais aussi à tous les mélomanes de la Rumba. Nous devons tous apporter notre soutien à cette candidature et je crois que cette inscription sera une belle occasion de célébrer la musique congolaise, la musique africaine que nous retrouvons sur tous les continents. Et de montrer également les interactions dans la diaspora, les Amériques, les Antilles…

L’UNESCO est disposée à apporter son appui technique au cours des travaux qui vont avoir lieu durant les deux prochains jours. Nul doute que les participants à ce colloque réfléchiront objectivement sur les préalables réunis pour un dossier de candidature réussi, et surtout le réalisme par rapport au délai de soumission de la candidature cette année.

Notre souhait est de voir la commission conjointe RC-RDC traiter ce dossier avec sérénité, objectivité et réalisme pour que soient prises en compte toutes les contraintes liées au respect de cinq critères d’inscription. Cette clairvoyance relèverait du respect de la lettre mais encore de l’esprit de la convention. Notre crédibilité collective repose sur notre capacité à l’exercer et à tenir nos engagements sur le long terme. Cette exigence vaut pour toutes les composantes du patrimoine de l’humanité.

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