Contre toute attente,
Me voici Présidente.
Envers toute espérance,
J’ai trompé les vigilances,
J’ai aboli des siècles de crédo,
J’ai déposé la doxa des machos.
J’ai remporté le viril scrutin,
Comme un être sans vagin ;
J’ai donné à la nation une Mère,
J’ai installé le parti Matrilinéaire,
Je suis la femme du millénaire.
Maintenant fils, votre place est aux champs;
Filles, vous irez auprès des enfants.
Vous les nourrirez de votre lait et de notre science,
Vous construirez leur progrès avec pertinence,
Nous bâtirons ainsi un empire puissant ;
Nous lèverons des guerriers parmi les méchants,
Ô que rien ne changera jamais à la justice !
Le malfrat et l’inapte connaitront le dernier supplice.
Notre projet de société inaugure l’Eugénisme
Qui élèvera l’humain plus haut que l’obscurantisme.
Pour ça, la famille est au centre de notre politique ;
Le mariage coutumier devient par décret, juridique.
Par ça j’entends que la nation se fonde au moule de la tradition,
Que puisse la foi nationale transcender l’unique religion !
Que tout soit neuf, vrai, parfait et africain !
Le Maire exécutera le sacrément selon le rituel des anciens,
Et l’état ne connaitra pas que le pouvoir temporel.
Non, j’abroge l’hyménée religieuse qui se conclue devant l’autel,
J’annule la dot, le voile et les dons de vaches.
Vendre une femme et acheter un esclave sont des crimes lâches;
Or, je garde l’anneau au doigt, oui da ! Qu’on se passe la bague ;
Ou elle est meilleure qu’un symbole, ou elle est pire qu’une blague !
Gare à la putain qui à l’autre mari contera fleurette sous la blouse,
Gare au cavaleur dont le fleuret piquera le cœur d’une épouse.
La loi prohibe le sort et la sorcellerie,
Je légifère contre le catalogue du fétichiste, la magie et ses bréviaires :
Que le coupable brûle à poil sur le verdict du Troisième Oeil de la Patrie,
Jury des questions des rêves et de l’aurore, et Gardien des cimetières.
J’en ai trop dit, tous les métiers seront inscrits dans le carnet :
Les arts, l’athlétisme et l’astronomie auront la part belle au budget.
Le médecin, le forgeron, le chantre, le prêtre et la préceptrice
Signeront la constitution des arts et métiers, juge suprême
Des crimes commis près ou loin de leur exercice.
Le cabaret n’étant pas proscrit,
Celui qui manquera au Culte sera coupable de blasphème,
Il paiera la double dîme mensuelle : à Dieu et au Commis !
Et le peuple s’écria en choeur : à Dieu et au Commis !
Or Dieu, ainsi transmuté en l’état,
Favorisa le long règne d’un prospère potentat,
Le Sceptre de la délicatesse consuma tant le vice qu’on surnomma cette femme : le Feu.
Cette épopée prouva bien que Dieu veut ce que femme peut.
Texte proposé par Christian D. Bokoli, Journaliste, poète et opérateur culturel.