La rythmique de la musique moderne au Congo Kinshasa reste toujours subdivisée en deux parties généralement. Commençant d’abord par un rythme lent accompagné des paroles thématiques, la chanson typique prend ensuite un tempo rapide à la seconde partie dans laquelle interviennent les chanteurs dénommés « Atalaku » ou animateur.
De Swede-Swede à Zaïko Langa Langa et Werrason, de Sosoliso de Trio Madjesi à JB Mpiana en passant par F-F-F (Ferré, Fabregas, Fally), cette logique a toujours été respectée. Après une musique presque réfléchie, c’est le show-chaud.
Dans ce dossier, nous vous proposons l’historique, l’évolution et les perspectives de ce phénomène qui a même traversé les frontières congolaises, au point de faire des émules au Gabon, en Angola, au Togo, au Cameroun, au Congo-Brazza créant d’autres ramifications notamment les djs en Côte d’Ivoire.
« Atalaku, Atalaku Mama ! Regardez ici »
De son vivant King Kester Emeneya reconnaissait à Kabasele Tshamala dit Kallé Jeff, la paternité de l’actuelle musique congolaise, mais il ne s’attendait pas une touche qui va révolutionner cette identité de la République du Zaïre. Avec le temps, les styles de cet art ont évolué grâce aux influences des courants musicaux entourant la ville de Kinshasa.
C’est vers les années 68, 69 dans la commune de Kintambo qu’il y a eu les prémisses de ce phénomène à travers deux grands danseurs : Sabu Ley et Obigo « Fingers ». Kikim Kinguza Afri explique « qu’à chaque fois qu’un groupe musical d’une autre commune se produisait sur le sol de Kintambo, il recourait à ces deux messieurs pour mettre de l’ambiance ».
De ce fait, Sabu Ley, qui était un estropié, reconnait ce chroniqueur musical au Journal Elima, accompagné de son ami, permettaient aux orchestres de faire du show dans de bars au-delà de simples chants.
Maintenant pour attirer l’attention du public et le pousser à danser, les deux animateurs lançaient leur cri de guerre « Atalaku, Atalaku Mama ! », qui veut simplement dire « Regardez ici », « Regardez nous, Regarde maman ! », rapporte ce journaliste.
Pour la petite histoire, ce mot tire son origine dans la langue kikongo parlée par l’ethnie Kongo de la province du Kongo Central (aussi dans une partie de la province Bandundu) en RDC, se trouvant aussi au Congo-Brazzaville, en Angola et au Gabon.
A cette époque là, la réussite des productions de plusieurs orchestres, dans cette partie de Kinshasa (Kintambo), était aussi due à la qualité des spectacles de danse de ces deux vedettes. Les formations musicales telles que Kavasha de Donat Mobeti, Zaïko Langa Langa en savent quelque chose.
Pas de deux sans trois !
Kinshasa de l’époque, avec le succès de ces deux gaillards, a connu deux vagues de musique selon les cités. A force de dire « Atalaku, Atalaku » en incitant les gens de venir vers eux voir, ils ont fait école.
Dans certains coins, les « ambianceurs » n’avaient pas pris le relais, mais à Kintambo, la vague s’était répandue comme de la fumée favorisant la création de nombreux groupes musicaux notamment le style Swede-Swede de Kintambo, qui va à son tour engendrer beaucoup de grands noms. Dans la foulée, Boketshu 1er, Mabele Elisi (fraichement venu de l’Equateur).
Les jeunes premiers n’ont pas manqué à marcher sur ce pas d’atalaku comme Papy Kakol, l’actuel batteur de Wenge Musica Maison Mère. À côté d’eux, il y avait encore un vieu appelé Beta Ku Mayi qui va créer son orchestre Bana Odéon, qui était simplement le rassemblement des animateurs dont Ditutala (choc star), Nono Munzuluku de Zaïko, qui lui est un conservateur. Jusqu’à ce jour, il garde son « kinsansi, kitshaka-tshaka » dans sa poche pour donner du punch à son animation devant le micro. Et d’ailleurs il possède encore la pureté de l’animation datant dans son groupe Zaïko Langa Langa, témoigne ce journaliste d’une septantaine révolue.
Tous les jeunes hommes sortis de cette école ont fait bon chemin. Dans ce courant, il y a également Djuna Mumbafu (Empire Bakuba de Pepe Kallé) et Robert Ekokota (ancien de Wenge 4×4 Tout terrain). Tous ces jeunes doivent être considérés comme ceux qui ont révolutionné la musique congolaise moderne en y ajoutant de l’animation.
« Atalaku n’est pas animateur »
Toutes les tendances musicales africaines de maintenant sont à prédominance saccadée, notamment le ndombolo, le coupé décalé, le zouglou et tant d’autres sont contaminées par le virus de l’animation. Un coup d’œil sur Trace TV peut en dire plus.
En résumé de ce qui précède, le concept « Atalaku » ne veut pas dire animateur. Il veut simplement dire un cri d’un animateur. « Il y a peut-être la confusion dans le chef de nos animateurs quand ils se disent « Atalaku », martèle un musicien de Bakolo Miziki. Or, ce terme est simplement un cri de guerre des pères fondateurs de l’animation ».
Bana Ordeon, Swede-Swede et tous ces vieux-là étant parti dans l’au-delà, Kintambo n’est plus l’épicentre. Le Village « Molokaï » à Matonge influençant Kasa-Vubu, les shows-mens désormais viennent d’ailleurs.
Pour le moment, les animateurs viennent, pour la plupart, de la commune de Ngiri-Ngriri. Tutu Kaludji, Celeo Scram, Gentamycine, Gesac, Biscuit des Ecoliers, Kerogène, Somono, Brigade, Kabuya, Lobeso, Bercy Mwana,… sont des noms qui ne sont plus à présenter en RDC.
Parmi eux, il y a Bill Clinton Kalonji, qui, après Djuna Mumbafu, est resté comme une icône qui perd de plus en plus ses plumes du guide. Partant du style de départ, ces derniers essayent d’apporter leurs pierres à l’édifice.
Onassis Mutombo