Bonané eeeeeeh! Historique, solennel est ce moment… Depuis, en effet, qu’un peuple vit au coeur de l’Afrique noire, sur les bords du fleuve Congo; depuis que le Congo est Congo; depuis le lancement des tout premiers Prix Nobel en 1901, l’on n’avait jamais vécu ça! Récompense amplement méritée par ce compatriote fait d’un métal assez rare, une luciole au coeur des ténèbres… Nul plus que lui, parmi les 70 millions de Congolais qu’éclaire le soleil, n’a autant impacté le monde entier, à partir pourtant d’une initiative locale, dans le secret de son hôpital de Panzi, dans la banlieue de Bukavu…
Par un jour ordinaire, ce gynécologue de soixante-trois ans, formé à Angers (France), constate, chez ses nombreuses patientes, une nouvelle et terrible pathologie: la destruction volontaire et planifiée de leur appareil génital! Mukwege décide alors de prendre en charge ces femmes victimes des violences sexuelles de la part des groupes armés et des éléments incontrôlés de l’armée nationale, dans une approche holistique… En effet, il prend en compte les domaines physique, psychique, économique et juridique du phénomène! Et pour ne plus attendre, impuissant, ses patientes dans son bloc opératoire, le médecin se saisit de son bâton de pèlerin, pour traverser, monts et vallées, mers et océans, et faire connaître au monde entier cette barbarie sexuelle dans un conflit d’un autre âge, où le viol collectif est considéré comme une arme de guerre contre les femmes, les fillettes, voire les bébés! Plus de 40 mille femmes, à ce jour, ont bénéficié des soins spécifiques à l’hôpital de Panzi, ces dix-sept dernières années…
Contraint à l’exil en Belgique, après avoir échappé à un attentat meurtrier (sa sentinelle est abattue) à Bukavu, Mukwege va, au bout de quelques mois, renoncer à ce séjour doré, arguant que sa place est plutôt auprès de ses patientes… C’est tout Bukavu et ses environs qui lui réserveront un accueil triomphal digne d’un Chef de l’État!
Reconnu aujourd’hui comme l’un des spécialistes mondiaux du traitement des fistules, Denis Mukwege engrange ainsi, à travers le monde, Prix et distinctions à la pelle, dont le Prix Right Livelihood, en 2013, considéré comme le Prix Nobel alternatif, ainsi que le Prix Sakharov en 2014, lesquels, on le voit aujourd’hui, préfiguraient justement ce Prix Nobel de la Paix! Après Patrice Lumumba, le Dr Denis Mukwege doit être le Congolais le plus connu dans l’espace international; à lui tout seul, il incarne la renaissance du grand Congo sur l’échiquier mondial! A lui tout seul, il a cassé l’image pitoyable d’un pays au leadership défaillant où la mauvaise gouvernance et la corruption ont tué tout désir de gagner, de se surpasser, de donner le meilleur de soi-même…
Enfin, aussi a-t-il cassé le cliché d’un pays aux richesses incommensurables, mais qui peine à imposer au monde une image de dignité et de respect! Je n’avais pas attendu ce Prix Nobel pour dire ici, sur mon mur, que ce Congolais est le meilleur d’entre nous… Merci, mwana mboka!
© Didi Mitovelli/facebook