La question sur la restitution en Afrique et en RDC du patrimoine culturel a de nouveau été au centre des débats ce mercredi à Lubumbashi. Des acteurs culturels, des artistes et même des juristes continuent de sensibiliser la communauté tant au niveau national qu’international sur la nécessité de ce processus. La rencontre de Lubumbashi est organisée par ”Initiative Construisons Ensemble”, un consortium des jeunes Congolais.
Plus de 90.000 objets, des centaines de crânes et restes humains et des documents d’archives sur la RDC se trouvent conservés dans des musées en Europe. Depuis des décennies, des Congolais réclament la restitution de ce patrimoine. Il s’agit principalement des objets et œuvres qui ont été arrachés ou volés auprès de communautés à l’époque de la colonisation.
En effet, indique le professeur Donatien Dibwe, historien, les premiers à revendiquer leur patrimoine sont les communautés elles mêmes. ”Le roi Lusinga, M’siri… ont payé de leur vie pour avoir résisté au colonisateur. Ensuite, vers les années 59 avec le mouvement de la conscience Africaine, des intellectuels Congolais ont pris le relais. En 1960, la demande a été faite à la conférence politique à Bruxelles. Par ailleurs, le président Mobutu avait réclamé et obtenu de la Belgique la restitution d’une centaine d’œuvres en 1970.
Par la suite, un silence sur cette question s’est installée après 1970 jusqu’en 2018. Toutefois, le débat a rebondi avec le discours d’Emmanuel Macron sur la restitution à l’Afrique de son patrimoine. Et aujourd’hui, la RDC est impliquée dans ce processus. D’ailleurs, indique le professeur Donatien Dibwe, Joseph Kabila avait fixé la période de restitution après la construction du nouveau musée de Kinshasa. Mais à l’arrivée de Félix Tshisekedi, il semble trainer les pas. Néanmoins, le pays s’est actuellement doté d’une commission chargée de la restitution.
Le silence des artistes
Pour sa part, Patrick Mudekereza, directeur du centre d’art Waza de Lubumbashi, a, de nouveau, interpellé les artistes Congolais à s’intéresser au débat sur la restitution. Et comme illustration, Patrick Mudekereza a lu un extrait du poème ton silence est un crime de Matala Mukadi. Dans ce texte, l’auteur s’adresse au Musée Royal d’Afrique centrale à Tervuren. Ainsi, on peut lire…Tervuren… rends- moi la flûte, Tervuren… Rends-moi mes raphia.. ou encore Tervuren… Rends-moi mon héritage.
Le directeur du centre d’art Waza, qui lui-même travaille sur la question de la restitution, estime aussi que le silence des artistes Africains sur cette question devient un crime. Ils devraient par contre se montrer très actif car, dit-il, il s’agit d’un patrimoine commun. ”Ce qui importe, ce ne sont pas les objets en eux-mêmes. Par contre, c’est la valeur symbolique de ces objets emmenés en Europe. Ils sont partis avec des plantes et des crânes avec pour objectif la destruction de la culture en Afrique.
Où conserver les objets ?
À la suite de l’expérience à l’époque de Mobutu où les œuvres restituées sont réparties en Europe, les Congolais sont considérés comme irresponsables. Mais aujourd’hui, ce discours est dépassé, estime encore l’historien Donatien Dibwe. Et de poursuivre, cela ne devrait pas être un argument pour bloquer le processus.
Quant à la question sur le lieu de conservation après la restitution, le professeur Donatien Dibwe précise que la RDC n’entend pas vider le musée de Tervuren. Ce ne sont pas tous les 90.000 objets de la réserve du musée de Tervuren qu’il faut rapatrier. Admettons que ce sont une centaine d’œuvres, le pays à un nouveau Musée national qui pourra les accueillir. En plus, nous pouvons recourir au musée de l’église Kimbanguiste.
De son côté, Benoît Kalala, enseignant à l’université, rappelle que parmi les spoliateurs, il y a non seulement les Belges, mais aussi des Français et l’Église catholique. À noter qu’il existe encore une divergence des vues entre la RDC et la Belgique sur les éléments du patrimoine culturel à restituer. Pour les congolais, il s’agit non seulement des objets, mais aussi des restes humains et des documents d’archives. Mais en Belgique, une loi a été votée portant sur la restitution uniquement des objets.
Magazine la Guardia