
Kombo wana ya poète, bino mutu bopesa nga yango, bino moko boyebi!», déclarait un jour Simon Lutumba Ndomanueno dit Simaro à son intervieweur…Son propos n’est pas sans rappeler l’un des personnages de la pièce de Molière, «Le Bourgeois gentilhomme» (1670)… Joué par le célèbre auteur dramatique français en personne, Monsieur Jourdain ignorait qu’il faisait de la prose; et quand on le lui fait remarquer, il est tout joyeux! Au fait, Molière veut montrer avec humour que les mots poésie et prose méritent d’être placés sur le pied d’égalité…
Quand Simaro Lutumba signe ses tout premiers disques au début des années 1960, le public apprécie sans toutefois y déceler l’expression poétique… C’est comme dans une épreuve de «The Voice» aujourd’hui, les mélomanes accompagnent de la tête un candidat, mais ne retournent pas encore leurs sièges…
La discographie de Lutumba est encore pauvre à cette époque (la machine à composer, dans l’Ok Jazz, est disputée entre Joseph Mulamba dit Mujos et Jean Munsi alias Kwamy) , et n’autorise pas jusque-là une observation fine et linéaire, pour en dégager finalement un constat plausible, irréfutable… Ce n’est que partie remise, car critiques et mélomanes le feront sur la durée, après que Lutumba ait analysé les joueurs et leur jeu dans ce nouveau groupe qu’il a intégré (après Micra Jazz et Congo Jazz), et sorti le grand jeu…
D’années en années, de compositions en compositions, les caractéristiques des textes de ce guitariste rythmique mince comme une aiguille de couture (moke lokola tonga masini) se dégagent… Et ça discute entre critiques et mélomanes! Manifestement, il y a quelque chose qui se produit là pour la première fois: combinaison des mots les plus expressifs, des figures de rhétorique pour évoquer des images fortes, et suggérer des sensations… Certes, Simaro Lutumba n’invente rien, mais il le fait différemment…
L’on ne sait donc pas avec la précision d’un horloger suisse à quel moment exactement le mot poète précède désormais le nom de Simaro Lutumba… Toutefois, c’est, dans les titres écrits entre 1966 et 1973, que son identité de poète s’affirme… Le summum est atteint avec «Mabele, ntòtò»! C’est, d’après l’auteur-compositeur lui-même, la chanson de sa longue carrière qui lui a causé plus de difficultés que d’autres… «Nzembo wana on dirait mutu akoma yango te… On dirait ebima kaka boye na mopepe! Simaro akomaki na ba niveaux moko ya réflexion oyo mingi bakoma te!», confie Félix Wazekwa, l’un de ses meilleurs disciples (des titres comme «Winamol», «Nzete ya sequoia», «Koweit Rive gauche», «Après toi», «Pauvres, mais…» et d’autres l’attestent en effet)…
Ce n’est que plus tard, en 1985, celui dont les titres ont été pourtant à plusieurs reprises comptés parmi les meilleurs de l’année, reçoit son tout premier titre de meilleur compositeur cette fois-ci, aux côtés de Jeannot Bombenga… De plus en plus, dans les médias comme sur les pochettes des albums de l’artiste, «Le Poète» accompagne son nom…
Bon, elubu elengi ewumisaka fufu te, autrement dit les bonnes choses ne durent jamais… La suite consistera à évoquer les caractéristiques de la poésie et du poète, à déceler les aspects poétiques dans l’oeuvre de Simaro Lutumba, ici «Mabele»… Lutumba aza nzoku, baliaka ye, mokolo moko te… Est-ce que po nakolia nzoku, il faut kaka nzungu monene? ©
D.M.