A plus ou moins 6km de l’aéroport de Gemena dans la ville éponyme dans la province du Sud-Ubangi, se trouve un gigantesque monument, Zongba (Zomba). L’histoire de ce statut imposant fascine. Faite en cuivre pur, de 4m de hauteur avec un regard vif, ragé, protecteur et guerrier vers le lac Tumba qui le sépare du Combinant Industriel de Gemena (Comingem), cet homme géant tient deux lances. L’une a été volé lors des pillages des années 90 en RDCongo et l’autre, tellement haut perché, est resté dans sa main gauche placé à côté de sa tête.
Au Chef-lieu de la province du Sud-Ubangi, Zongba est à la base de plusieurs légendes. « Zo-ngba » en langue ngwaka veut dire : « prend ce cadeau ». Les anciens de cette province de 788.000 ménages racontent diverses versions de sa présence à côté du lac artificiel Tumba.
Un courant indique qu’après la guerre de 80 jours qui sévit en RDC, le Président Mobutu avait décidé de déterrer ce monument dans son jardin pour venir l’implanter à Gemena en hommage aux militaires guerriers Ngwaka qui s’étaient bien comportés lors de la dite guerre,« Prenez ce cadeau », « Zo-ngba ».
L’histoire de Zongba est aussi liée à la création de la Compagnie Comingem. En effet, trois (3) ans après son installation à Gemena, Comingen a dû créer à côté de son usine un lac artificiel pour permettre à la firme d’avoir de l’eau à sa portée. En plus, le village en a trouvé une aubaine pour faire des travaux ménagers, boire et se laver comme dans la plupart des territoires de la dite circonscription.
Alors, les familles comptaient de plus en plus de disparitions d’enfants, jeunes et vieux qui allaient se baigner dans le lac tumba. Les villageois affirmaient qu’il y a eu apparition d’une sirène qui volait les enfants pour les ramener au fond de l’eau. Plusieurs morts ont poussé les notables du village à faire appel à Dieu pour pouvoir révéler une solution. Et cette solution, c’est Zongba.
En 1978, le Président Mobutu avait autorisé à Moleka Liboke Ignace, Administrateur directeur général de Comingem, de prendre ce monument qui était installé en sa résidence de Gbadolite pour l’amener à Gemena par voie routière.
Papa Appo, chauffeur célèbre de la ville de Gemena reconnait l’avoir transporté dans son container et le statut, affirme l’intéressé, pesant des tonnes. Mais, Papa Appo refuse toute affirmation sur l’existence d’une sirène justifiant la nécessité de l’arrivée de Zongba.
« J’ai passé nuit juste à côté du Zongba. À l’époque il y avait une grande boite de nuit qui accueillait plusieurs autorités la nuit. Même Mobutu venait nous rendre visite. L’histoire de la sirène, je ne l’ai jamais vécu. Donc, il est pour moi difficile de le certifier », se réserve Papa Appo, chauffeur personnel de Moleka Liboke Ignace, père de Moleka Nzulama.
Version commune !
Surplace, Papa Bosco, 70 ans révolus, relate que la raison principale de la présence de Zongba est l’apparition d’une sirène qui a ravageait plusieurs enfants dans ce lac. Et depuis son installation, la sirène avait disparu.
Née et grandi à Gemena, Nathalie Agbepo est allée à Kinshasa poursuivre ses études après avoir obtenu son diplôme d’Etat. « La seule différence qu’il y a aujourd’hui, c’est que, plusieurs maisons sont construites autour de Zonbga. Nous l’avions laissé seul au milieu de la foret. Lors de notre enfance, on nous parlait de Zongba à deux volets, un peu comme l’a dit Papa Bosco. Premièrement, Zongba a été mis ici pour faire peur à une sirène qui tuait les gens qui venaient se baigner au lac. Si elle veut sortir, dès qu’elle voit ce vaillant homme avec sa lance, elle rentre vite. La deuxième, Zongba est le totem de peuple habitant la terre de l’actuel Gemena. Il incarne l’esprit guerrier qui nous caractérise. Même dans nos activités au quotidien, nous n’aimons pas subir des échecs. Nous luttons toujours pour sortir meilleurs », révèle Nathalie Agbepo, une originaire de Gemena habitant actuellement à Kinshasa.
Aussi, apprend-on, Zongba qui est issu de la famille Baliya, est originaire du village de Bozéné. « Pendant la Colonisation, les colons s’étaient installés chez Zongba pour agrandir le village. Accusé d’avoir tué son frère à cause d’argent, Zongba a été lui aussi empoisonné, plus tard, après plusieurs tentatives sans en complicité avec sa propre fille qui avait épousé un blanc. Le Guerrier Zongba a été présenté comme sans pardon ni pitié puisqu’il avait même tué son frère avec un bâton qu’il détient auprès de sa tête. Selon des témoignages historiques, ce dernier lui réclamait juste son salaire. Ce monument a été réalisé pour être installé à l’aéroport, question de permettre à tout le monde de voir, le contempler », ajoute Papa Bosco, le surveillant du site touristique de Zongba, actuellement le site appartenant au sénateur José Makila qui l’a acheté du temps il était gouverneur.
De l’autre côté des officiels, Jean Paul Mabenze, l’actuel gouverneur du Sud-Ubangi reconnait, lors de notre entretien, qu’en interne, il y a une politique pour faire la promotion des sites touristiques du Sud-Ubangi, mais cette politique va encore se renforcer, croit-il, avec la caisse de péréquation installée par le gouvernement central.
« Nous avons des projets, effectivement. Maintenant que le gouvernement veut relancer la caisse nationale de péréquation, nous disposerons des moyens nécessaires pour réaliser ce type de projet. Mais c’est un projet qui nous tient à cœur, puisque nous avons besoin d’entretenir notre mémoire, nous avons besoin de recevoir des visiteurs. Il y a un proverbe de chez nous qui dit : la maison qui reçoit est celle qui est bénit. Nous voulons justement recevoir beaucoup de visiteurs comme cela été le cas il y a quelques années en arrière », souligne Jean Paul Mabenze, gouverneur de la Province du Sud-Ubangi.
Sculpté par Maitre Alfred Liyolo, ce monument est dans la logique actuelle propriété privé de José Makila, ancien gouverneur et leader politique du parti ATD. Le Ministère de la culture, arts et patrimoines devrait sauter sur cette occasion pour en faire un patrimoine national, afin que son existence publique soit protégée. Symbole du vaillant congolais et de l’unité du peuple du Grand Équateur, Zongba est aussi un joyau artistique qui mérite un regard soutenu.
Onassis Mutombo, de retour de Gemena/Sud-Ubangi