
Le film « Les héroïnes de la rumba », qui met, en avant, les chanteuses congolaises de la République Démocratique du Congo et celle de la République du Congo depuis l’indépendance, est au cœur d’un débat critique dans le milieu culturel, pour avoir omis la contribution de certaines grandes dames.
Juste après sa diffusion à Brazzaville, dans le cadre du festival panafricain de musique (Fespam), une vive polémique s’est éclaté dans la salle du Canal Olympia situé au rond-point Poto-Poto sur les omissions constatées dans ce documentaire.
« Dans le film Les héroïnes de la rumba, l’histoire est mal racontée. Je trouve qu’on a omis plusieurs grandes dames de la musique congolaise de deux congos. Quand le récit quitte de Lucie Eyenga pour aller directement chez Mbilia Bel, je me dis, qu’il y a un problème. Dans la musique congolaise, on ne peut pas parler de Mbilia Bel sans Abêti Masikini », a fait savoir Paul Ngoy, artiste instrumentiste.
« Félicitations quand même à la production pour ce travail de documentaire qui met en avant les femmes de la musique congolaise. Mais, on peut pas parler de Mbilia Bel sans Abêti Masikini. Cette dernière est une précurseur dans tout et pour tout. De l’autre côté, il y a des Pongo Love, après on irait vers Mbilia Bel et Tshala Mwana, Faya Tess, il y a aussi de Pembe Chero à Brazzaville, Jolie Deta, Déesse Mukangi qu’on n’a pas mis en lumière», a-t-il regretté.
Des noms manquent à l’appel !
Pour ce percussionniste maîtrisant l’histoire musicale de la RDC, certaines figures de la musique congolaise devraient y figurer pour donner sens à ce travail de recherche selon la chronologie des faits. De la manière dont elle est racontée, c’est une histoire tronquée de la musique congolaise, a-t-il alerté.
« Plusieurs grandes dames ont sensiblement contribué à l’éclosion de l’image de la femme dans la musique congolaise. Et Barbara Kanam sert actuellement de pont pour aller vers nos jeunes sœurs MJ30, Cindy le cœur, Rebo, Claudia Bakisa, Laurette La perle, Tatiana Kruz. Pour moi, la réalisatrice devrait revoir l’histoire pour donner de la place qu’il faut à des grandes dames comme Abêti Masikini, Pongo Love, Faya Tess, Déesse Mukangi. La production doit revoir ce film pour que l’histoire de la musique congolaise ne soit pas tronquée», a proposé Paul Ngoy, artiste percussionniste et conseiller en charge de la culture au Ministère éponyme de la RDC.
Un voyage à moitié !
Rencontre Mbilia Bel, Faya Tess et Barbara Kanam en images
« Omission par inadvertance, précipitation ou manque des informations? C’est ce que j’essaye de comprendre jusque-là. Je constate que dans ce film , l’on revient sur des faits qui n’ont rien avoir avec les héroïnes de la rumba. Par exemple des tableaux qui montrent les femmes violées de Bukavu en train de danser, sont-elles aussi héroïnes de la rumba ? Il y a la fille de Verkys Kiamwangana, parmi les chanteuses qui ont marqué, est-elle aussi comptée ? », s’est posé la question Jordache Diala, journaliste culturel de la RDC se trouvant dans la salle.
Et de se poser la question, « Pour quelqu’un qui suit pour la première fois ce film, il aura du mal à avoir une idée précise de la musique congolaise au féminin. L’omission de Faya Tess, par exemple, Pongo Love et surtout d’Abeti Masikini, Tshala Mwana, c’est une erreur grave qui mérite correction. Pour évoquer Tshala Mwana, il fallait attendre que la diva Barbara Kanam cite son nom lors de son intervention pour voir une image d’elle sur le podium de Showbuzz au moment d’un concert de cette dernière ».
Pour cet expert de la musique congolaise, le film Les héroïnes de la rumba congolaise est un travail qui ne cadre pas avec la réalité. Le produit fini, a-t-il dit, n’est pas à la hauteur des attentes des téléspectateurs avertis. Des lieux mythiques, a-t-il cité, comme 1-2-3 ou encore Chez Faignond à Brazzaville, bastion de la rumba pouvaient servir à la réalisation à un travail de recherche de qualité.
Vers un deuxième volume pour compenser le vide ?
Parlant des oubliées, la chanteuse Faya Tess qui a été invitée pour la dite soirée par le Président congolais, Denis Sassou Ngouesso, sans insister dans un entretien, elle s’est considérée comme oubliée, tout simplement.


(PH. Yasmina Benguigui, réalisatrice du film)
À ce sujet, interrogée par le média en ligne Arts.cd, Yasmina Benguigui, la réalisatrice française de ce film a apaisé la tension, « Les héroïnes de la rumba congolaise, c’est un voyage dans la grande histoire de deux Congos, dans la rumba congolaise. Cette musique est à la base aujourd’hui de la musique planétaire , le rap, le rnb, le hip-hop. Donc, c’est déjà un grand voyage au sein de ce courant musical », a déclaré Yasmina Benguigui, réalisatrice du film après la projection à Brazzaville.
Selon elle, l’idée est de mettre en avant des femmes exceptionnelles qui ont pris leur destin en main dans des conditions terribles pendant la colonisation, que se soit pendant les indépendances.
« La plus part des femmes chanteuses ont été aussi oubliées dans le récit des histoires autour des indépendances. Ce film est une histoire de lutte des femmes mais pas que. Il traduit aussi l’apport de deux congo sur la rumba congolaise. Par exemple Lucie Eyenga n’a pas participé aux assises de la table ronde de Bruxelles. Elle est morte dans l’anonymat total. C’est ça aussi le travail des réalisateurs de raconter pour laisser les traces dans l’histoire », s’est elle justifiée.
Pour elle, la réception de ce film par les médias est incroyable mais, a-t-elle promis, de se lancer dans le deuxième volume pour compenser le manque de certains noms avec leurs histoires merveilleuses à découvrir.
Onassis Mutombo de retour de Brazzaville