
S’il fallait résumer ce concert en un mot : assurance. Premier artiste urbain à oser affronter la fournaise de la grande salle du Centre culturel et artistique pour les pays de l’Afrique centrale, Gally Garvey a signé l’une des prestations les plus marquantes de sa carrière et de la scène congolaise récente.
Le week-end dernier, le 22 novembre 2025, le natif de Lemba a transformé cette salle mythique en un territoire conquis, où sa voix, son charisme et sa maîtrise ont imposé le respect.
Vêtu d’une veste noire, d’une chemise blanche et d’une fleur rouge posée sur le cœur, Gally “Gaga” pour les intimes s’est présenté en véritable séducteur. La salle, remplie à près de 80 % de jeunes dames, ne s’y est pas trompée. Avec l’attitude d’un Docteur Love, il avait baptisé son show : Résidence Love.
Sur scène, une configuration inhabituelle : un ensemble à vent, près de vingt choristes, seize danseurs, quatre à cinq shifts scéniques… Le tout soutenu par une scénographie raffinée et des jeux de lumière élégants. Le cocktail a fait que la voix, l’interprétation, lumières, musique,… ont fait pleurer des fanatiques.
Les notes qui (r)assurent

Dès les premières secondes, l’atmosphère s’est intensifiée : salle comble, public impatient, et un artiste déterminé non pas à donner un simple concert, mais une démonstration de force, de précision et de maturité artistique.
Longtemps perçu comme un artiste très mobile depuis ses débuts en télé-réalité, Gally a surpris. Ce concert marque une évolution notable dans sa gestion de la scène : gestes maîtrisés, déplacements mesurés, interactions justes. À chaque moment de communion, il a su créer une unité entre sa voix, son corps et son public.
Sur le plan vocal, les progrès sont indéniables. Comparée à sa prestation du 25 avril 2025 à la Halle de la Gombe, celle-ci révèle un artiste plus solide, plus confiant, surtout en live. Enchaîner cinq chansons d’ouverture sans recourir à un animateur est une performance réservée aux véritables chanteurs de scène.
Et s’il était l’héritier de la rumba 2.0 ?
Dans une génération souvent attirée par les sonorités urbaines, l’auteur de Tout seul embrasse une voie que beaucoup de ses pairs hésitent à suivre : celle de la rumba modernisée.
Énergie canalisée, assurance accrue, répertoire structuré… Gally Garvey installe peu à peu sa marque dans cette arène où cohabitent rumba congolaise, touches de zouk et influences urbaines françaises.
En parlant aux cœurs meurtris, aux célibataires et aux amoureux égarés, il a trouvé son créneau, son QG émotionnel. À ce jour, il incarne pour sa génération une figure montante de la rumba, à l’image de ce qu’était Koffi Olomidé dans les années 80 et 90.
Un geste anodin… ou hautement symbolique

Entre complicité, intensité et moments d’émotion, Gally n’a pas seulement porté les couleurs de l’urbain congolais : il en a redéfini les contours, en utilisant la rumba comme terrain d’expression.
Les invités étaient nombreux : Héritier Wata, Innoss’B, Gaz Mawete, Princesse Bantou… Mais l’instant fort reste l’interprétation de Tout seul avec Gogan.
Après les encouragements de son aîné, Gally a tenu la main d’Héritier Wata pour l’amener au-devant de la scène, face à la chaleur du public.
Un geste simple, mais chargé de symbolique. Dans la tradition musicale congolaise, ce geste peut signifier : honneur, fraternité, reconnaissance, depeuriser son invité, mise en valeur ou partage de lumière. « Rien n’est anodin sur scène, surtout dans la culture congolaise où la symbolique compte autant que la musique », rappelle un expert de la musique kinoise. En clair : ce soir-là, Gally s’est présenté en patron.
Une étape vers la consécration

Ce passage au Centre culturel s’apparente à un rite de passage : celui qui distingue l’ascension de la véritable consécration.
Quelques bémols toutefois : des interventions d’animateur parfois en décalage avec la sérénité du show ; des questions posées au micro (“L’invité est prêt ?”) qui brisent un peu la fluidité ; un bodyguard trop présent, envahissant les allées pour souffler des mots ou remettre des papiers.Parce que, dit-on, le professionnalisme se cache dans les détails.
Dans Matthieu 11:3, Jean-Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ». À travers ce concert, les amoureux de la bonne musique ne doivent plus attendre, c’est lui, l’image de la rumba 2.0.
Malgré ces failles, ce concert de la maturité confirme Gally Garvey comme l’une des figures majeures de la nouvelle scène congolaise. Une performance mémorable, porteuse d’un tournant décisif dans sa carrière. Sans exagérer, ce spectacle est exportable sur les scènes européennes. La seule inquiétude demeure la gestion de la logistique humaine. Mais les résultats obtenus prouvent que Gally est prêt à conquérir un nouveau monde.
Onassis Mutombo




