
Dans un contexte où la mémoire collective congolaise est souvent menacée par l’oubli, l’abandon ou la dégradation, la photogrammétrie se présente comme une technologie salvatrice. C’est autour de cette thématique que le média Culture Congo a réuni chercheurs, journalistes et passionnés du patrimoine, lors d’une conférence animée par l’expert Théophile Mafuta Mandanga ce vendredi 25 juillet dernier au centre culturel « Ndaku ya la vie est belle » situé à Kinshasa, dans la commune de Kalamu. Ce dernier, formé notamment par l’École du Patrimoine Africain au Bénin, milite pour une vulgarisation de la numérisation 3D du patrimoine congolais afin d’en assurer la transmission aux générations futures.
La photogrammétrie, discipline technique qui permet de reconstituer en 3D un objet ou un site à partir de simples photos, représente aujourd’hui un outil stratégique pour documenter, restaurer, valoriser et enseigner l’histoire. « Ce n’est pas juste une technique, c’est une mission », martèle Théophile Mafuta. Grâce à un simple appareil photo, un drone, un ordinateur et les bons logiciels, il est désormais possible de reconstituer numériquement un masque ancestral, un bâtiment historique ou une sculpture en voie de disparition.

Mais la tâche reste colossale. La RDC ne dispose ni de cadre juridique clair sur la conservation numérique ni de suffisamment de personnel qualifié dans le domaine. Les institutions telles que l’Académie des Beaux-Arts, l’Institut des Musées Nationaux ou encore l’Université de Kinshasa sont encore à l’étape de projets pilotes. Le programme PICCO (Patrimoine, Identité, Conservation, Afrique, Université), cofinancé par la Belgique et la RDC, fait figure d’exception en accompagnant quelques structures à Kinshasa et dans les provinces.
Au-delà de l’aspect technique, cette démarche soulève aussi des enjeux identitaires et éducatifs. Car rendre le patrimoine accessible sous forme virtuelle, c’est permettre à chaque élève, chaque citoyen, chaque chercheur congolais d’entrer en contact direct avec des objets qu’il ne verrait jamais physiquement. C’est aussi un rempart contre la disparition pure et simple de fragments entiers de notre histoire, en les inscrivant dans la mémoire numérique mondiale.
Enfin, Théophile Mafuta appelle à la mobilisation des décideurs publics et des institutions de recherche. Pour lui, la photogrammétrie ne doit plus être vue comme un gadget technologique mais comme un levier de souveraineté culturelle. « Le numérique n’est pas un luxe. C’est une urgence pour notre mémoire collective », conclut-il. Une urgence que la RDC ne peut plus se permettre d’ignorer.
Valentin Kabandanyi