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Tous derrière les FARDC

Théâtre : « Transe infernale » entre folie douce, furieuse et meurtrière de Masikini

Justifiant son infanticide, la cause de son internement dans un asile pour aliénés mentaux, Masikini avait l’air bien pitoyable en racontant avec froideur ce geste qu’elle a qualifié d’acte de « légitime défense » dans son monologue empreint de douleur, peine et rage devant un public attentif, le 12 mai, à Wallonie-Bruxelles.

« Jusqu’à quand me poursuivras-tu sale bâtard ? », s’écriait, dans un accès de rage, Masikini, joué par Sheila Nzutisa. Hantée par son infanticide, elle est poursuivie jusque dans son sommeil par des pleurs de bébé croissants qui deviennent assourdissants. C’est le début de Transe infernale où Masikini, toute agitée, tente de se boucher les oreilles, allongée sur un grabat en bois dur. Les images d’un fœtus puis un nourrisson aperçu au fond de la scène qui demeure dans la pénombre s’ajoutent au décor sombre alors qu’elle se lève de son lit, vêtue d’une longue robe bariolée. « Le monde a tué ma vie. Les hommes m’ont tuée tout entière », l’entend-on dire en furie.

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De son monologue à partir de l’asile, de ce lieu dont elle dit « ce n’est même pas un hôpital, c’est une prison, c’est ma prison », l’on apprend tout de Masikini. Privée de la lumière du jour, tout ce qu’elle fait « c’est penser », « penser à la vie, aux choses de la vie » qui pour elle se résument à sa tragique histoire. Victime d’un mariage forcé à 15 ans avec « ce vieux Bwana qui en avait plus de 70 », rebelle et forte tête, elle ne s’y résout pas et en vient à tuer son mari septuagénaire qui pensait la dompter par un odieux viol.

Après ce premier acte de folie dicté par la rage, « comme une lueur dans ma tête, je me dis comme il a osé, j’ose aussi », elle est enterrée vive sous lui. Sauvée d’une mort certaine s’étant échappée de sa tombe suite à une aide inconnue puis recueillie par les bonnes sœurs, Masikini n’est pas au bout de ses peines. Enceinte, elle ne se résout pas à accepter cet enfant qui grandit en elle. Faute d’avorter, elle le tue à la naissance. Elle finit par admettre ce forfait nié au départ : « Oui, je l’ai tué ce bâtard ! », mais elle le défend : « Je vais dire au monde que c’était un acte de légitime Masikini tentant de résister au viol de son mari septuagénaire ».

« La femme n’a pas de choix. On choisit à sa place »

L’actrice Masikini

La justification de ses deux homicides, Masikini la puise dans les préjudices qu’elle a subis. Ayant découvert la vie en ville, à 10 ans elle rêvait de « mettre fin à la dictature masculine ». Devenue « la première fille du village à aller à l’école », elle pensait être bien partie mais est arrêtée net. Son père lui imposant le mariage avec le chef lui rappelle : « La femme n’a pas de choix. On choisit à sa place et elle se  Masikini se plaignant de sa grossesse non désirée à l’idée de mettre au monde un bâtard soumet ! ». Ainsi, le meurtre de l’époux commis de sang froid avec une barre de fer est un triomphe : « Je venais de le tuer, le salaud qui croyait avoir le dernier mot. Je venais de le tuer et avec lui, tous les hommes et toutes les injustices des hommes ».

Et, sa folie meurtrière qui apparaît une seconde fois à la description de son infanticide, Masikini le tient pour une délivrance d’un mal qui la rongeait de l’intérieur. Se plaisant à raconter les détails sordides de l’acte ignoble s’accompagnant de la gestuelle, elle conclut de la sorte : « Il pendait comme un pantin désarticulé ». Le rire sarcastique qui s’ensuit soutient le diagnostic qu’elle récuse : «  Ils disent que je suis folle, moi Masikini, folle à lier ». Même si elle s’en défend, c’est pourtant ainsi qu’elle est parue au regard de tous.

Un peu amusé au début, le public a été très vite transporté par les états d’âme changeants de Masikini. La scène finale de Transe infernale a fini par lui ôter l’empathie suscitée par la scène du viol. Inspirée de la pièce inédite du défunt dramaturge Nono Bakwa, Transe infernale l’a balloté, à travers les va et vient de Masikini entre folie douce, furieuse et meurtrière, évoqué tour à tour les questions des droits de la femme bafoués, du mariage forcé et des violences conjugales.

Wedou Wetungani, le metteur en scène, a mis une année à ficeler le projet quoique, a-t-il dit au Courrier de Kinshasa, « la création proprement dite a duré deux mois ». La représentation toute récente au Kongo central, a-t-il dit, «  a servi de générale et permis de tester l’effet sur le public ». Le solo de Sheila Nzutisa, une pièce inédite du défunt dramaturge congolais Nono Bakwa, a été bien reçu lors de sa grande première à Wallonie-Bruxelles. La salle a apprécié le rendu qu’a fait la Compagnie Ngemba Théâtre de cette tragédie dont l’auteur, décédé en mai 2002, était le directeur artistique de l’Ecurie Maloba ainsi que du Festival international de l’acteur.

Nioni Masela/ Adiac-Congo

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