mercredi, mars 26
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Tous derrière les FARDC
Inauguration du Centre Culturel et artistique de l’Afrique centrale

Page d’histoire: Il était une fois,… King Kester Emeneya ! (La suite)

1. Nous avons vu que lorsque Misha Mulongo et Jean Mubiala Emeneya arrivent à Kinshasa, à bord d’un avion Hercule C-130 (libumu ndunda) de l’armée, ils vont directement au village Molokai chez Papa Wemba. Après les présentations et la formulation de la première demande de Misha à Papa Wemba, qui consistait à ce que Viva la musica accompagne Emeneya en studio pour l’enregistrement de sa chanson  » Milena « , le président de l’orchestre les Kassapards va demander un second service à son ami Wemba. Peut il héberger cet étudiant, pendant quelques jours, jusqu’à son retour à Lubumbashi ? Censé être à Lubumbashi pour ses études, Emeneya ne pouvait pas aller habiter dans sa famille.

Papa Wemba accepte la requête de son ami et donne une petite chambre, dans sa parcelle Molokai.

L’ÉTUDIANT EMENEYA EST CONFINÉ AU MOLOKAI

2. Après les répétitions et l’enregistrement de sa chanson, Emeneya continue d’habiter Molokai où il attend la sortie de son oeuvre qui traîne aux Éditions Vévé.

Il commence à se rendre compte qu’il est tombé dans un piège. Sa chanson ne sort toujours pas et celui qui l’a amené à Kinshasa, son président Misha Mulongo, qui est censé lui payer son billet de retour, a disparu. Son séjour à Molokai se prolonge et la plupart des musiciens de Viva la musica le tiennent à l’écart.

EMENEYA, SPECTATEUR DES RÉPÉTITIONS DE VIVA LA MUSICA

Il assiste aux répétitions sans y participer. Mais un jour, lors d’une séance à laquelle il assiste comme observateur, Emeneya demande à Papa Wemba de parler. Celui-ci lui accorde la parole. Il va faire deux remarques pertinentes; sur le fait, d’abord, que les chanteurs de viva la musica avaient tendance à chanter très haut pour s’accorder à la voix aigue de Papa Wemba. Ensuite, le tempo des chansons était un peu trop rapide à son goût.

Papa Wemba, impressionné, va prendre en compte ces deux remarques,  mais Emeneya reste toujours en dehors du groupe.

EMENEYA FAIT LA CONNAISSANCE DE KOFFI OLOMIDE

3. Durant cette période de confinement à Molokai, Emeneya va faire la connaissance d’un jeune homme de son âge (les deux ont 21 ans en 1977) avec qui très rapidement il va se lier d’amitié. Cette amitié aura un impact certain sur l’évolution de la musique congolaise moderne. Nous y reviendrons un autre jour.

Selon Emeneya, cette rencontre s’est faite tout simplement. Un jour, il est dans sa chambre à Molokai, il voit un jeune homme entrer et se présenter. Je m’appelle Antoine et je fréquente Papa Wemba depuis un moment parce que je suis son parolier.

Il s’agit d’Antoine Agbepa Mumba qui deviendra très célèbre sous le nom de Koffi Olomide.

EMENEYA ET KOFFI DÉCOUVRENT LEUR PASSION COMMUNE POUR LA RUMBA CONGOLAISE DES ORIGINES

4. Partageant presque le même statut (les deux ne sont pas musiciens de Viva la musica; en tout cas, pour Emeneya, pas encore) et le même sort ( ils ne sont pas très considérés par les vedettes de l’orchestre), ces deux jeunes hommes vont commencer à se fréquenter régulièrement. C’est ainsi qu’ils découvrent qu’ils ont la même passion pour l’histoire de la musique congolaise et la même admiration pour la première génération de la rumba congolaise. Celle du père de la musique moderne, Joseph Kabasele dit  » Grand Kallé  » et son orchestre l’African Jazz et de son disciple Pascal Tabu Ley Rochereau et son African-Fiesta.

EMENEYA ET KOFFI S’ENRICHISSENT MUTUELLEMENT SUR LE PLAN ARTISTIQUE

Sur le plan artistique, ces deux amis vont s’enrichir réciproquement. Koffi Olomide, qui est un génie de la composition des textes des chansons, va aider Emeneya à améliorer son écriture; parfois, en corrigeant même certaines de ses compositions.

De son côté, Emeneya, l’un des grands chanteurs congolais, en plus d’être un excellent compositeur, va aider Koffi à améliorer sa façon de chanter.

LA PREMIÈRE GUERRE DU SHABA

5. Pour comprendre l’évolution de la situation d’Emeneya dans Viva la musica (jusque-là, il n’est toujours pas membre effectif), nous devons rappeler la situation politique du pays en cette année 1977 qui aura une incidence indirecte sur la carrière d’Emeneya dans Viva la musica.

L’ANGOLA SOUTIENT LES REBELLES CONGOLAIS

En réaction au soutien zaïrois aux rebelles angolais du FNLA (Front national de Libération de l’Angola) de Holden  Roberto et de l’UNITA (Union nationale pour l’Indépendance totale de l’Angola) de Jonas Savimbi dans la guerre civile angolaise, 1500 combattants du FLNC (Front de Libération Nationale du Congo) du général Nathanaël Mbumba, attaquent le Zaïre  vers le Katanga le 8 mars 1977. Avec le soutien des angolais du MPLA d’Agostino Neto.

Les militaires zaïrois ont dû mal à stopper l’offensive rebelle.

Le président Mobutu est contraint de faire appel, le 2 avril 1977, à ses alliés. Les États-unis, la France, le Maroc, l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Soudan, etc, vont voler au secours du régime Mobutu.

LES MILITAIRES MAROCAINS VIENNENT AU SECOURS DE MOBUTU

6. Le 10 avril 1977, 1500 militaires marocains sont amenés au Zaïre par des avions français. L’Égypte envoie une douzaine de pilotes; le Soudan quant à lui, envoie des conseillers militaires.

Cette coalition des alliés de Mobutu va chasser du Zaïre les rebelles du FLNC. La guerre de 80 jours ou la guerre de Shaba 1 se termine le 26 mai 1977. La facture de 70 millions de dollars américains de l’opération marocaine fut payée par l’Arabie saoudite.

C’est dans le cadre de l’opération de rapatriement des militaires et du matériel de guerre à Kinshasa, au mois de juin 1977, que Misha Mulongo et Jean Mubiala Emeneya vont prendre place dans un avion militaire qui les amène dans la capitale.

MOBUTU DISSOUT LE PARLEMENT ET ORGANISE DES ÉLECTIONS ANTICIPÉES

7. A la fin de la guerre, les alliés de Mobutu lui conseillent de  » libéraliser  » un peu plus son régime et créer des espaces d’expression démocratique. Parce que, lui disent-ils, si les gens n’ont pas la possibilité de s’exprimer librement et de manière démocratique, inévitablement ils prendront les armes.

Fort de ces conseils, Mobutu annonce, le 1er juillet 1977, une série de réformes politiques. Entre autres, la dissolution du parlement (Conseil législatif) et l’organisation des élections anticipées. 18 membres du bureau politique (les commissaires politiques) sur les 30 et les députés nationaux (commissaires du peuple) seront désormais élus directement par la population.

La campagne électorale est lancée au mois de septembre 1977.

VIVA LA MUSICA DANS LA CAMPAGNE ÉLECTORALE DE BOMBOKO

8. Pour sa campagne, Litho Moboti, l’un des candidats en lice pour les deux sièges de commissaire politique de la région (province) de l’Équateur, fait venir Lita Bembo et son Stukas pour une tournée de sensibilisation.

De son côté, son concurrent, Bomboko Lokumba, décide de faire appel à Papa Wemba et son Viva la musica pour une tournée électorale à l’Équateur. Wemba accepte l’offre.

LE CAS EMENEYA

Mais, Wemba a un petit souci. Que faire de Jean Mubiala Emeneya ? Il n’est pas membre de son orchestre mais il habite chez lui depuis presque trois mois. Faut il le laisser seul à Molokai ou l’amener en tournée ? En fin de compte, Wemba décide de l’amener avec lui à l’Équateur.

9. Durant toute la tournée, Viva la musica fait un carton, en particulier avec la chanson  » Bokulaka « . Mais Emeneya est tenu toujours un peu à l’écart. De temps en temps, on lui permet de chanter uniquement sa chanson Milena. Il continue à encaisser patiemment ces frustrations de la part des autres chanteurs.

TROIS CHANTEURS QUITTENT VIVA LA MUSICA

A la fin de la tournée de l’Équateur, des mécontentements vont apparaître au sein de l’orchestre. Mécontentements dus à une rumeur selon laquelle le vieux Bomboko, très content de son élection, aurait remis beaucoup d’argent à Papa Wemba afin de permettre à chaque musicien de Viva la musica de s’acheter une parcelle. Le patron de l’orchestre aurait gardé cet argent pour lui.

Fin octobre 1977, Espérant Kisangani, Jadot le Cambodgien et Bipoli na Fulu quittent Viva la musica et fondent l’orchestre  » Karawa-musica « .

Emeneya intègre officiellement Viva la musica

10. Trois chanteurs sur les quatre de Viva la musica viennent de claquer la porte; la place se libère enfin pour Emeneya qui intègre maintenant officiellement l’orchestre. Et très rapidement, il va prouver sa valeur artistique en composant une très belle chanson qui va faire ignorer aux mélomanes de Viva la musica le départ des mécontents : Ndako ya ndele !

Le public va découvrir enfin un chanteur talentueux et un compositeur très doué. Viva la musica peut reprendre son envol.

Pour compléter l’équipe chant, Viva la musica recrute un autre chanteur qui s’appelle Shaka shiko Brown.

LES FILS PRODIGUES (BIPOLI, CAMBODGIEN, DJENGAKA) RETOURNENT AU BERCAIL

11. Voyant le succès toujours croissant de Viva la musica avec le déploiement artistique de Djo Kester Emeneya, les fondateurs de Karawa-Musica, en très grande difficulté quelques mois seulement après leurs défections, commencent à revenir, au début de 1978, un à un dans Viva la musica où leur  » Papa  » Wemba les accueille comme des fils prodigues. Bipoli est le premier à revenir. Suivi de Jadot le Cambodgien. Kisangani va s’entêter alors qu’il a même des problèmes de santé. Papa Wemba va envoyer des émissaires aller le ramener à la maison.

EMENEYA S’IMPOSE, PAR SON TALENT, DANS VIVA LA MUSICA

12. Viva la musica s’est réconcilié avec lui-même. Mais les choses ne seront plus comme avant. Un nouvel acteur s’est fait une grande place dans l’orchestre et l’estime de Papa Wemba. Par son énorme talent de chanteur-compositeur, il deviendra l’un des piliers du groupe et . . . indéboulonnable. C’est le King Kester Emeneya !

A suivre !

Par Thomas Luhaka Losendjola