L’an 2019 restera dans les annales de la culture congolaise. Elle a été marquée par une montée en crescendo de la fine fleur des slameurs de Goma. Entre concerts acoustiques, les soirées slam mensuels, les ateliers et les enregistrements studio, la ville touristique est passée d’une contrée non réputée de la poésie à un épicentre dans l’industrie slam en RDC.
L’invitation fin novembre 2019 à l’événement Arts of Hope à Kinshasa pour le compte de l’Institut d’art oratoire ( IAO), a été une sorte de couronnement d’une année pendant laquelle Goma a été plus que jamais en vogue dans le monde du slam. Passionnée de l’écriture et de la parole, Jeanne D’arc Munyabaga a assuré lors de cette soirée galactique.
Mais JD n’est pas la seule à avoir porter haut le flambeau du slam gomatracien l’année écoulée. La preuve avec le premier prix du concours Slam – Poésie » Vœux de Lumière 2020″, donné au jeune Elisha Abumba, une première édition pour le collectif Goma slam session en collaboration avec l’Institut français de Goma.
Ces artisans du slam ont su marier leur génération à la précédente, tout en gardant leur identité. Mais ils ont également embrassé la dimension numérique, visant les réseaux sociaux comme une vitrine de visibilité globale et en créant des comptes YouTube pour le téléchargement de leurs tubes enregistrés. Ainsi, pour l’an 2019 on a vu des grands morceaux sillonnaient nos oreillettes. La « PHARMACINATION » de Ghislain Kalwira, où cet artiste a abordé la politique dans le cadre d’un corps en mauvaise santé où le peuple est délaissé et le politicien vit à son aise. Dans » Si j’étais une Femme », Depaul Bakulu lance un appel à l’amour, la tolérance et la non violence. Une voix qui appelle la jeunesse à prendre conscience et de jouer son vrai rôle dans le processus du changement de la RDC. Pour faire connaitre la vie quotidienne mais aussi les coins que regorgent Goma, Yves Kalwira a mêlé la Rumba au slam dans le titre « Je te présente Goma ». « Doctoresse » de Ghislain Kabuyaya fait l’apothéose de la femme. » Le coeur » de Leader parle aussi de l’amour, de ses états de douleur et de peine. Pour exprimer ses vœux de bonheur à ces fans pour l’an 2020, Rita Zaburi, a lancé officiellement sur sa chaîne YouTube le titre » Deux milles vingt » le 1 Janvier. Quant à Jenny Paria, il a animé des ateliers dans son collectif et a enchaîné des concerts acoustiques pour faire connaître cette discipline ascendante au public de Goma qui reprend le goût au quotidien.
Discipline adulée sans sponsoring !
Cette discipline , qui est née d’une idée du poète américain Marc Smith en 1987, a pris un grand envol dans ce coin du Nord-Kivu. Cependant, selon les artistes locaux, il y a encore des problèmes liés au manque de sponsoring et des mécènes.
» Le slam bien qu’il prend de l’élan avec une vitesse de croisière, n’est pas encore trop connu. Il est considéré comme une discipline des intellos. Pourtant l’essentiel serait le message que transporte chaque morceau pour atteindre tout le monde » soupire Depaul avant d’ajouter : » le problème est beaucoup lié à la culture dans sa globalité, il n’y a pas suffisamment de managers ou mécènes ». Ghislain Kabuyaya lance de son côté un appel de soutien : » Les sponsors demeurent moins nombreux et parfois très rares. Que les mécènes s’investissent également dans ce secteur « . Pour Rita Zaburi, ses consœurs doivent plus s’engager dans ce domaine sans complexe. » Souvent les femmes ont peur de s’engager dans certaines choses par complexe. Pour moi être femme me donne du courage d’aller de l’avant et de travailler dur pour faire comprendre au monde entier que la scène n’était pas faite que pour les hommes » constate-t-elle.
» Cette année ( 2020) je voudrais que les gens s’intéressent un peu plus à cet art de la parole » lance Leader avant que Ghislain Kalwira poursuive : » Les artistes slameurs doivent avoir aussi leurs projets pour espérer avoir des producteurs « .
Un peu comme les danseurs qui traversaient les bons moments au début de la décennie qui s’écoule, les slameurs de Goma traversent une bonne passe pour le moment. En espérant que ce ne soit pas juste un phénomène de mode.
David Kasi