Pour la paix, la première édition du festival du rap et du slam (Festiras) de Bukavu, qui s’est achevée le 24 juillet, comptera parmi ses prestations abouties, le concert de Stamina, la star tanzanienne , de Afande Ready, l’enfant du terroir et de Youssoupha, le » prim’s » parolier. Mais dans ce lot de satisfaction, il y a aussi tant des leçons à apprendre en compte pour les prochaines éditions.
La première expérience du Festiras ne s’annonçait forcement pas comme un feu d’artifice malgré les invités de grands gabarits, artistiquement parlant. Elle s’est au moins faite voir comme un tremplin de talents locaux en rap et slam qui ont eu le temps de s’exprimer. Le Festiras s’est aussi avéré, néanmoins, de bonne tenue, avec le public qui a répondu plus au moins présent, des révélations mais aussi des déceptions et des couacs organisationnels.
Stamina aux rescousses de la première journée
Le samedi 23 juillet. Enfin, la ville de Bukavu peut vivre la première édition du Festiras, annoncée avec pompe plusieurs semaines avant. Tour à tour, les artistes locaux se sont partagés l’unique scène de l’un des terrains de football du collège Alfaijiri, lieu de la tenue du festival. Les artistes de la région de Grands Lacs en ont aussi profité pour passer les messages de cohabitation pacifique à l’image de Gretta, venue de Kigali, au Rwanda et de Fal J de la ville de Goma.
Avant Stamina, la slameuse belgo-burundaise Joy Gioia a fait une prestation remarquée avec des textes qui interrogent le passé colonial belge dans les pays de la région de Grands Lacs. La tête d’affiche du premier jour, Stamina, aura eu la lourde charge d’emballer les milliers de festivaliers qui affluent le stade qui, durant les prestations des artistes locaux, restaient indifférents.
Une première journée se termine par un grand coup. Le rappeur swahiliphone s’en est acquitté avec brio, délivrant un concert abouti. L’artiste tanzanien a su, un peu plus d’une heure durant, interagir avec le public, qui chantait ses morceaux dans une ambiance festive. Ce public, qui découvre pour la première fois un événement de cette envergure, a été conquis et laissé en haleine pour le deuxième jour.
« J’avais envie d’y être, depuis bien longtemps, et mieux connaître le Congo. Il est important de vivre en harmonie et de développer des choses ensemble. Dans le monde entier, le hip hop est presque le même. Celui du Congo n’est pas si différent de celui de la Tanzanie. J’ai vu des jeunes artistes d’ici. Je suis prêt à collaborer avec eux », a d’ailleurs laissé
entendre Stamina.
Les couacs organisationnels mais les prestations à la hauteur
Si durant la première journée la programmation aura été respectée à la lettre, ça n’a pas été le cas pour le dernier jour. Annoncée débutée à 9h, la journée du festival a résonné à 18h. La raison ? Une messe se lisait dans les enceintes du collège Alfaijiri. Les prêtres, de peur d’être dérangés par la musique, ont exigé aux organisateurs d’attendre. Pendant ce temps, avec l’affiche alléchante du day 2, le stade se remplissait plus que le day 1. Lassés, les festivaliers qui manquaient de quoi s’occuper, par manque des activités parallèles sur le site du festival, ont commencé à extérioriser leur mécontentement.
L’heure exigée arrive, les prestations pourraient déjà commencer. Pour gagner du temps, les artistes locaux et de la sous région n’ont eu que le temps d’interpréter chacun une chanson. Pendant que ces rappeurs et slameurs de Goma et Bukavu se partageaient le podium, le public scandait qu’un seul nom : « Afande Ready « . Le chouchou du public n’a pas déçu, du moins que l’on puisse dire. Ses chansons phares ont mis le public dans une effervescence inoubliable jusqu’au point de lui réclamer sur scène encore plus longtemps. Chose sur laquelle les organisateurs n’auraient pas pu céder : la tête d’affiche du festival était déjà dans les coulisses et le temps filait.
19h 30, c’est le grand moment au Collège Alfajiri. Youssoupha, comme au Festival Amani à Goma en 2018, monte sur scène avec le titre Polaroïd Expérience. C’est le débordement sur les abords du podium. Les agents de sécurité s’entassent pour éviter que le Prim’s parolier ne soit touché. Mais Youssoupha n’a pas fait l’unanimité. Certains dans le public ont continué à réclamer le retour sur scène de Afande Ready. Le fils de Tabu Ley Rochereau n’a pas tergiversé de son côté. Pour mettre ce public au diapason, quoi de mieux que
de recourir à ses classiques et ses collaborations du passé ? Bien joué pour Youss car l’interprétation de ses collaborations avec Singuila, Fally ou encore Naza n’ont laissé personne indifférent.
Pour cette avant dernière date de sa tournée et devant plus de 7000 personnes, durant une heure, Youssoupha chantera avec le public ses titres phares : Amapiano, Mon roi, smile, les disques de mon père…jusqu’au point de quitter la scène sans prévenir. C’était au public de rester dans le goût du concert.
Youssoupha et Stamina reçoivent de la reconnaissance nationale
Au-delà des concerts livrés, les deux stars ont eu des activités extra-artistique. Ils ont visité le parc National de Kahuzi Biega, qui se trouve à 30 km de Bukavu. À cette même occasion et après avoir visité les gorilles, les deux artistes ont été nommés ambassadeurs de ce patrimoine mondial de l’Unesco.
De son côté, le lyriciste bantu a aussi profité de ce séjour pour rendre visite au Dr. Denis Mukwege, qu’il ne cesse de citer dans pas mal de ses titres. » Ma présence ici se traduit par « tous les congolais comptent, même ceux où la situation est plus compliquée ». Pour moi – on ne va pas se mentir –, c’est plus dur pour les gens qui vivent ici. Je prie et je parle pour que la situation arrête de se dégrader et retourne à la normale, pour que chacun trouve sa paix des deux côtés des frontières. « , n’a pas manqué à souligner concernant sa présence à ce festival avant de s’envoler pour Kinshasa, où il va tenir ses derniers concerts de la première partie de Africa Neptune Tour.
David Kasi/Nord Kivu