Première œuvre d’un artiste congolais dans l’espace public de la ville d’Anvers, la statue de bronze de l’artiste de renommée internationale, Sammy Baloji, sera inaugurée sur les quais réaménagés du fleuve Escaut le 3 juin prochain.
La collection d’art public d’Anvers (Kunst in de Stad) est l’institution qui a commandé l’œuvre permanente de l’artiste Sammy Baloji. Invité à la créer pour l’espace public, explique le Musée de sculpture en plein air de Middelheim à Anvers, l’artiste a été immédiatement attiré par l’Escaut, qu’il considère comme la passerelle entre « ici » et « là-bas », la ville et le monde, mais aussi, de manière plus poignante, entre la Belgique et le Congo, son pays natal. Pour ce faire, l’artiste de renommée internationale a conçu une statue en bronze représentant le lien entre Anvers et la ville de Muanda, en République démocratique du Congo.
Une référence importante dans la conception de l’œuvre d’art, explique-on, est Paul Panda Farnana (1888-1930) qui, alors un jeune enfant, a été amené du Congo en Belgique. Devenu le premier Congolais à être diplômé d’un institut d’enseignement supérieur belge, il a ensuite été une voix majeure dans le mouvement panafricain et la lutte contre la domination coloniale européenne. Une autre référence importante est une citation de l’ancien maire d’Anvers, Lode Craeybeckx, qui a dit qu’ « Un citoyen d’Anvers n’a qu’à mettre sa main dans le fleuve Escaut pour être connecté au monde ».
« Lukasa »
La sculpture en bronze, fait-on savoir, tire sa forme du « Lukasa » (qui signifie « la longue main »), un dispositif culturel utilisé dans la culture Luba du sud du Congo. Les Lukasa, indique-t-on, sont des tableaux de souvenirs et constituent un élément essentiel de la tradition orale d’historiographie et de narration du peuple Luba. Traditionnellement, ils sont fabriqués en bois et ornés de sculptures abstraites et incrustés de pierres, de coquillages ou de pièces de métal. Le Lukasa est utilisé lors de cérémonies au cours desquelles l’histoire politique et la mythologie des Luba sont transmises oralement par un « homme de mémoire » qui tient le Lukasa d’une main et trace les lignes et les bijoux incrustés de l’autre, les utilisant comme des nœuds d’information.
Les grandes « perles » colorées, visibles à la surface de la sculpture, sont fabriquées à partir de plastiques recyclés et forment une ligne qui imite la route maritime menant d’Anvers à Muanda. La plate-forme sur laquelle se trouve la sculpture est conçue comme un espace de rassemblement et d’échange social.
A cet effet, explique-t-on, l’œuvre de Sammy Baloji introduit l’acte de se souvenir et de raconter des histoires dans l’espace public commun. Néanmoins, conformément à la nature ambiguë du lukasa traditionnel, la réinterprétation contemporaine de Sammy Baloji ne contient pas de récit fixe. C’est une invitation à se réunir et à converser, à se rappeler, à se souvenir et à se souvenir différemment.
Première exposition en Italie
Actuellement, l’Andito degli Angiolini du Palazzo Pitti accueille la première exposition personnelle de Sammy Baloji en Italie, intitulée « K(C)ongo, fragments of interlaced dialogues. Subversive classifications » (K(C)ongo, fragments de dialogues entrelacés. Classifications subversives) . Le projet d’exposition, dont le commissariat est assuré par Lucrezia Cippitelli, Chiara Toti et le collectif BHMF, constitue l’aboutissement d’une recherche initiée par l’artiste en 2016 à partir des collections de différents musées du monde, dont le palais Médicis, à Florence, en Italie.
L’exposition s’étend jusqu’au 26 juin et sera à nouveau rouverte du 6 septembre au 27 novembre. Elle met en lumière le profil subversif des œuvres de Kongo, qui vont au-delà des classifications modernes « exotiques » ou « ethnographiques », héritage de la traite transatlantique des esclaves et de la ruée vers l’Afrique de la fin du XIXe siècle, dont les implications entrent en conflit avec les perceptions et les valeurs culturelles contemporaines. Dans l’exposition, enrichie par deux œuvres in situ, s’entrecroisent des motifs et des récits tirés d’objets arrivés des royaumes Kongo (l’actuelle République démocratique du Congo, la République du Congo et l’Angola) à partir du XVIe siècle, aujourd’hui conservés au Palazzo Pitti et dans d’autres musées.
Les œuvres de l’artiste sont mises en relation avec des documents d’archives et des objets pertinents du Kongo, prêtés par le Musée d’anthropologie et d’ethnologie de Florence, le Musée des civilisations de Rome et les Galeries des Offices. Le fil conducteur de l’exposition, qui couvre sept salles, est un tapis de 88 m de long (La Traversée), conçu et réalisé spécifiquement pour les salles de l’Andito degli Angiolini, dont la décoration découle des motifs géométriques et des bandes circulaires de quatre précieux oliphants Kongo (trompettes cérémonielles en ivoire incrusté) : trois d’entre eux proviennent du Tesoro dei Granduchi du Palazzo Pitti, tandis qu’un autre a été prêté pour l’occasion par le Museo delle Civiltà de Rome. Ces splendides objets, dont deux font partie des collections des Médicis depuis le XVIe siècle, marquent le point final d’un parcours soulignant la complexité des dialogues entrecroisés entre le Kongo, l’Europe de la Renaissance et l’Europe moderne.
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