Pour la troisième fois, en 4 ans, l’artiste danseur contemporain congolais Cruzz Taylor a performé » Kihu « , un spectacle itinérant pour exprimer son ral-le-bol par rapport au manque d’eau potable accru et habituel dans certains quartiers peuplés de sa ville de Goma. Le 17 janvier dernier, l’artiste- activiste a sillonné une partie de son quartier, situé prêt du lac Kivu, pour communier avec la population de ce coin qui a accompagné la cause par les messages d’encouragement et de stupéfaction. Reportage.
16 heure locale. Cruzz Taylor avec son équipe se dirige vers le lac Kivu, précisément à la plage du peuple. Lieu accueillant depuis plus d’une semaine, enfants et femmes venus de plusieurs kilomètres de là pour s’approvisionner en eau, non potable, à leurs risques et périls. Avec lui, un jerrican, une corde rouge et deux seaux. L’artiste les ( jerrican et deux seaux) rempli en eau du lac. Son équipe peint tout son corps en couleur blanche et lui s’habille en culotte rouge délabré et pieds nus. La couleur blanche sur le corps , selon le danseurs, c’est pour exprimer, » l’état pâle des corps de la population par manque d’eau à se laver « . La corde rouge, reliée au jerrican et entourant le cou de l’artiste, veut englober » tous les dangers que courent les enfants et mamans à la recherche de cette denrée rare « .
L’attention tournée vers Cruzz, le spectacle peut commencer
L’artiste monte avec son supplice. Derrière lui, un accompagnateur portant un tableau floqué » Kihu « , mot swahili qui signifie en français » Soif » , comme un appel sensible à la mouscaille qui envahit le peuple, une situation qui, d’après l’espoir de l’artiste » peut changer et changera quand tout le monde prendre conscience pour apporter ses pierres « .
Tout au long de son périple de plusieurs centaines de mètres et sur une pente ascendante, l’artiste a exprimé plusieurs opinions de la part du public. » Ils sont dans un tournage d’un film » pour les uns, » Il joue le Jésus Christ » pour les autres. Oui, dans tous les cas, Cruzz a enrobé ces deux rôles. Ce spectacle est un film car il a été immortalisé par les caméras et téléphones de passants et de son équipe pour qu’il soit encré au sein de la communauté. Il est » Jésus » car c’est le seul artiste qui s’est exprimé, artistiquement parlant, sur cette cause.
À mi chemin, Cruzz s’arrête, visage fugé et affaibli par les poids portés. Situation conforme que traversent depuis plusieurs années les habitants de Goma, voisins de l’un des plus grands lacs d’Afrique, aux yeux et au su des autorités locales. Au sein du public, les mamans de commerce informées encouragent l’artiste tout comme les enfants qui l’entourent depuis le lac.
Sur un roind point, l’artiste s’arrête à nouveau. Ses deux seaux sont presque pleins. Tout le monde observe et les véhicules stoppent. Taylor fait remonter ses deux ustensiles et s’imbibent, à 3 reprises, de cette eau. Sans le faire remarquer et comme il l’a commencé, c’est par ce geste que la performance a pris fin.
C’est la troisième fois, après notamment l’avoir joué au Cameroun, que Cruzz performe » Kihu » et selon lui, ça ne sera pas la dernière tant que la situation ne change pas.
« Le vouloir mieux vivre est la motivation même de l’homme dans sa lutte contre la frustration qui l’entoure, c’est pourquoi il ne peut s’épargner de démontrer tout ce qui ne va pas dans la société où il vit, surtout quand cela touche un de ses points vitaux : l’eau « , a déclaré Cruzz. » L’eau c’est la vie dit-on et tout État qui dessertit la vie de sa population lui offrirait une eau potable non pas comme une faveur mais comme un droit. Les états ( d’Afrique) ont semblé faillir à ce devoir « , a-t-il ajouté.
Ce spectacle est construit pour être présenté dans les différents lieux publics dans le cadre de l’éducation et du développement culturel en RDC, comme dans plusieurs pays africains. Il peut aussi soulever une recherche d’un nouveau public, d’une nouvelle inspiration, une nouvelle vision, une nouvelle façon de passer les messages de revendications et de dénonciations.
Taylor Cruzz a été incarcéré une semaine pour une performance de rue
Cruzz Taylor, de son vrai vrai nom Kasereka Kasolene Christmas, est un artiste danseur dont son profil est tâché par la création, réalisation et participation à des spectacles, résidences et documentations sur la danse contemporaine. Diplômé depuis le mois de juillet 2021 à l’école des Sables de Dakar, au Sénégal, il est aussi directeur artistique du Hadisi Urban Festival, rencontre annuelle de la danse contemporaine dans les rues de Goma dont la troisième édition se déroulera au mois de mars prochain.
Le vrai tournant de sa carrière arrive en juin 2017. Cruzz, accompagné de Mugabo Baritegera, artiste photographe, Benito Mupenzi, artiste peintre et Precy Numbi, artiste sculpteur , organisent un live painting et une performance artistique en plein cœur de la vile touristique ( rond-point Signers ). Ce double spectacle visait à interpeller et dénoncer les massacres à Beni et à Kasaï. Les forces de l’ordre avaient jugé bon de les arrêter et les incarcérer durant une semaine avant de les libérer. Depuis, Cruzz s’est défini comme artiste activiste.
David Kasi depuis Goma.