Le Président de la commission nationale du processus de l’inscription de la rumba congolaise, professeur Yoka Lye, s’est confié à votre site pour évoquer toutes les démarches entreprises et il a approfondi cette musique congolaise.
A ce jour, à quel niveau se trouve le processus de l’inscription de la rumba congolaise sur le patrimoine immatériel de l’humanité?
Il faut, avant tout, se féliciter du combat que l’Institut National des Arts (INA) mène pour l’inscription de la rumba sur la liste des patrimoines culturels immatériels de l’humanité qui a pu bénéficier des apports solidaires des autres institutions mais aussi des autres partenaires comme les universités, les individualités d’ici comme de Brazzaville voir les artistes eux-mêmes. Parce que le Congo vers les années 70 a pu inscrire sur la liste représentative sur la liste du patrimoine naturel cinq parcs mais jusqu’alors le Congo n’est pas parvenu à inscrire sur le patrimoine culturel. Il n’y a rien.
« Les cinq critères à respecter »
Notre combat est non seulement le patrimoine culturel mais également le patrimoine culturel immatériel. Puisqu’en parti c’est de la responsabilité de l’INA. Notre vocation, c’est la formation, la diffusion et la promotion du patrimoine culturel immatériel à travers les arts de la scène, de la parole, la musique, le théâtre, les arts dramatique dans leur diverse forme et la gestion culturelle. Nous avons pu bénéficier de l’appui de la Ministre de la culture et des arts qui venait d’inscrire la rumba sur la liste du patrimoine national. C’est une des conditions sine-qua-non pour l’inscription au patrimoine de l’humanité.
Il y a cinq critères qui sont exigés ; l’élément doit être exceptionnel, valeur de tradition de génération en génération, l’adhésion de la communauté, pièces à conviction en termes d’inventaires. Au niveau national, la démarche est à succès. Maintenant, nous sommes en contact avec la commission nationale de l’Unesco, qui elle, est en contact avec Paris pour la suite de la démarche.
‘’ La rumba a des composantes non variables (…)’’
Quelle rumba sera inscrite à l’Unesco ? Celle de Grand Kalleé, Tabu Ley, Papa Wemba, JB Mpiana, Ferré, il s’agit de quelle génération de la rumba ?
La rumba a des dénominateurs communs. Elle a des composantes non variables et puis elle a des dénominateurs variables selon le temps, les époques, le style, le mode mais il y a une constance de la rumba, qui est d’abord son histoire. C’est parti de la traite négrière au XVème siècle en Amérique centrale et latine. Et puis elle nous est revenue, mélangé aux rythmes et musiques amérindiens, caribéens, espagnols… avec les commerçants grecs, portugais, israélites.
Ici, chez nous, la rencontre, la mixité des rythmes traditionnels notamment le « Kebo » le long du fleuve, les marins congolais, il y aussi des marins venant d’outre-mer qui apportaient des disques vinyles. Tout ce mélange a fait la rumba. La rumba, d’abord, c’est le lingala, qui s’est imposé comme sa langue d’expression. Quand vous suivez la rumba, il y a la partie chantée, le couplet et le refrain. Il y aussi, l’annonce, le chant, la reprise instrumentale, encore l’annonce, le couplet encore et puis le sebène. C’est typique. Quelque soit la diversité au niveau du texte littéraire. C’est ça sa répartition. Et sa partie musicale est un rythme à 1-2 soit 1-2-3-4. Là, dedans il y aussi des influences de la salsa, patchanga,… Papa Wemba parlait de la rumba rock. Il y a eu une forte influence extérieure, mais la rumba elle-même s’est imposée.
Au dernier trimestre de l’an 2017, votre commission a eu à entamer l’inventaire des œuvres publiées sur la rumba, où êtes-vous ?
Depuis une quinzaine d’années, il y a de plus en plus une forte tendance des universitaires à réfléchir sur la musique populaire congolaise notamment la rumba. Et beaucoup de cours maintenant se donnent sur cette matière dans nos universités notamment à l’Université Pédagogique Nationale (UPN), à l’Université Catholique Congolais (UCC), à l’INA… notre musique est intégrée dans la recherche appliquée.
« Rumba cubaine inscrite déjà (…) Nous, on a tout le temps pour ça »
Depuis le mois de janvier 2017, le CUBA a inscrit sa rumba dans ce même patrimoine, est-ce que la RDC ne traine pas les pieds ?
Inscrire un élément sur la liste du patrimoine mondial, ce n’est pas une fin en soi. C’est une démarche de recherche, de promotion, on a tout le temps pour ça. Nous pensions que nous devions faire une démarche concertée entre tous les pays qui se concentrent à la rumba en Afrique centrale notamment le Congo-Brazza, le Cameroun, l’Angola, la Centrafrique, au-delà il y a les pays de l’Amérique Latine dont le Cuba. Ce dernier a préféré faire cavalier seul mais cela ne retarde en rien notre démarche. Il n’y a pas de course cela.
Après cette inscription, qu’est-ce que la RDC va gagner concrètement ?
L’inscription n’est pas une fin en soi. Quand vous observez tout le processus, c’est tout un travail de recherche et de solidarité scientifique. Donc au bout du compte, cette rumba est ouverte au monde et elle est connue avec un privilège de promotion. Déjà dans le patrimoine naturel, nos cinq sites sont protégés. Quand il y a des financements pour la protection, le renforcement de capacité et des capitaux. Voire même quand il y a de danger de spoliation, la communauté internationale se meut et se mobilise. C’est la même chose pour le patrimoine culturel l’immatériel.
« Nous irons au Festival Amani pour prêcher la bonne parole de la rumba »
Au-delà du Festival Rumba Parade, pensez-vous à la décentralisation de vos activités ?
Déjà l’année passée, il y a eu une amorce à Lubumbashi. Il y a eu lors d’un festival local, une journée consacrée à la rumba. Cette année, le 7 février, nous irons au Festival Amani à Goma pour prêcher la bonne parole de la rumba. Puisque finalement, la rumba est disséminée à travers le pays.
Nous sommes en contact avec Monsieur Didier M’pambia. Quand il a initié le Festival International de la rumba et de l’élégance, il nous a consulté. Je ne dis pas que nous travaillons ensemble, mais nous échangeons nos informations. Lui son orientation est Sape, ambiance. Oui, c’est ça aussi la sociologique de la rumba.
Onassis Mutombo