Yusufu Nessy dit Yuston est un mannequin professionnel, styliste et designer basé à Bukavu, au Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo. Le « Mister DRC » séjourne à Goma pour, non seulement préparer son prochain évènement de mode qui pourrait migrer de Bukavu en ville touristique, mais aussi pour créer une plateforme d’influenceurs et surtout pour signer un contrat de publicité avec un restaurant huppé de la place. De ses débuts dans la mode à sa notoriété à envier par ses acolytes en passant par ses secrets d’endurance, Yuston s’est dévoilé au micro de Arts.cd comme il ne l’a jamais fait. Interview.
Comment vous vous êtes retrouvé à faire le mannequinat ? Rêve ou passion d’enfance ?
A vrai dire, pour moi, lemannequinat a été une révélation. Depuis le bas âge, je me sentais bien habillé. C’est quelque chose qui est venu de ma mère, qui vendait le pagne au marché de Kadutu à Bukavu. Quand il y avait des vacances scolaires, je l’accompagnais et l’aidé à organiser ses marchandises. Apres mes études universitaires au Burundi, j’ai intégré une agence au niveau de Bukavu pour le cinéma et après je me suis tourné vers le mannequinat. Je suis parti sur internet pour suivre les cours pour me perfectionner et j’ai suivi les grands de la mode sur les réseaux sociaux. voilà
En 2015, vous intégrez l’agence Spider Pub avant de rallier Bujumbura. On peut dire que c’est cette expérience qui est le déclic et qui vous a propulsé ?
Pas parfaitement. C’était quelque chose qui était en moi mais je ne savais pas ce que c’était, c’est fut une découverte. J’ai changé de ville de Bukavu à Kigali pour apprendre encore et cela ou j’ai eu l’idée de créer des évènements de la mode. Et en 2019, je suis rentré chez moi et j’ai organisé la première édition de The One Fashion Week et cette année nous allons faire la 4ème édition et l’autre évènement est la Femme Fashion Show, qui est à sa 3ème édition. C’est quelque chose qui commence à aller de l’avant.
« Parfois les gens pensent qu’être artiste veut dire qu’on ne peut pas faire des (bonnes) études »
En 2017, vous devenez autonome en créant « Tropik Agence » avec comme marque de repère « YUS ». Tout en étant novice en carrière, n’est-il pas un grand risque que vous avez pris ? Comment vous vous êtes en sorti ?
Ça été pour moi une nouvelle expérience car cela m’a aidé à apprendre le marketing, ce que je n’ai pas fait à l’université. Voilà le pourquoi de la création de l’agence. Concernant la marque « YUS », j’ai mis en œuvre mon talent de créateur de mode en déchirant les pantalons en associant les fils à l’habit, ce qui a bien marché. Malgré qu’il y a eu certains amis qui achetaient, d’autres ont commencé à dire qu’ils ne pourraient pas porter mon nom. C’était vraiment un grand dilemme et je me suis mis à réfléchir pour trouver un autre concept. Cela m’a pris 3 ans pour trouver un nom et là que la marque « OH YEAH » a été créée. Celle-ci est une marque de positivité et de motivation.
Vous avez une licence en Computer Science obtenue au Burundi. En quoi votre parcours académique est-il utile dans votre carrière d’artiste ?
Parfois les gens pensent qu’être artiste, cela veut dire qu’on ne peut pas faire des études. C’est vrai, je n’ai pas été trop accroc aux études, je suis quelqu’un qui s’auto forme et cela m’a été d’une grande importance. Toutes les affiches de mes évènements, c’est moi qui les fait et même le magazine de mon évènement, je suis le seul qui le conçoit. À l’université, j’ai essayé de se focaliser à l’infographie ce qui m’aide dans ma carrière à avoir une touche personnelle.
De « Modesty Fashion Show » à la « Kigali Fashion Week » en passant par la « soirée Liputa », comment vous pouvez déjà évaluer le domaine de la mode au niveau de l’Afrique, plus particulièrement en RDC ?
Je vais parler au niveau de la RDC parce que c’est quelque chose que j’ai vécu et continué à vivre. Le mannequinat est quelque chose que beaucoup n’ont pas encore compris ici chez nous, et quand je parle de gens, je ne vois pas les particulier mais plutôt les entreprises, les secteurs dans lesquels le mannequinat peut être exploité. Le problème, ce n’est pas le mannequin en soi mais ce sont ces entreprises, ces dirigeants, le gouvernement par exemple. Le mannequinat paie dans d’autres pays en Europe, aux Etats-Unis, il commence à payer aussi au niveau de Kigali contrairement à ici ou les entreprises ne nous laissent pas les montrer de quoi on est capable. Imagines toi, partout où tu vas passer dans les villes congolaises, tu vas voir les panneaux publicitaires des entreprises de télécommunications, il y a des images achetées sur internet. Moi je suggèrerais à ces maisons de commencer à faire le casting au niveau local et de prendre les vraies figures de mannequinat et de mode et les donner le contrat pour qu’ils soient affichés sur leurs panneaux et leurs supports publicitaires. Cela donnera une autre façon de voir les choses et les mannequins pourront vivre de leur art. Comme moi, par exemple, c’est maintenant que je commence à vivre de mon métier comme il se doit. Aujourd’hui je peux m’auto proclamer mannequin, c’est parce que j’ai deux ou trois contrats qui font à ce que je suis. C’est vrai ce n’est pas grand-chose mais c’est important et souhaitable. On a eu la chance d’avoir un corps de rêve, que ce gens acceptent d’utiliser nos images afin qu’on puisse trouver quelque chose.
« Je n’ai pas de modèle, je suis mon seul modèle. Je crée mon image à ma façon. Quand on parlera de moi, je vais que cela soit unique(…) »
« The One Fashion Week » dont vous êtes co-organisateur est l’un des évènements culturels les plus attendus chaque année dans la ville de Bukavu. D’où est venue l’idée de cette initiative ?
Je suis quelqu’un qui exprime toujours ce qu’il a dans le cœur. Presque partout à l’est de la RDC, on est buté par ce problème de discrimination, de tribalisme, de la haine…et cela est parfois encouragé par les gens. Moi, je rêve d’un monde meilleur, d’un pays meilleur que ce qu’on a. L’unique façon de trouver la paix, c’est accepter d’être unis, d’accepter l’autre et toi-même peu importe l’âge, la culture, le physique…voilà l’idée de cet évènement.
Vous n’êtes seulement pas mannequin mais aussi promoteur de la mode, designer ou même cinéaste. Ne pensez-vous pas que vous êtes éparpillé ?
C’est vrai que j’ai plusieurs casquettes et que je me rends compte, je suis plutôt heureux. C’est Dieu qui donne. Je fais de mon mieux pour exploiter à 100 pourcent chaque talent que j’ai dans le souci de servir le public mais le talent que j’aime bien, c’est la mode.
« Je demande aux jeunes de travailler dur, parce que il y a de gens qui nous traitent de gay, voleur, escroc,.. mais je n’ai pas abandonné pour les donner raison (…) »
Vous avez plus au moins 6 ans de carrière en tant que mannequin professionnel, qu’est-ce que vous pensez apporter à cette industrie au niveau national et local ?
J’apporte beaucoup. Avec mes deux évènements que j’ai, je regroupe des mannequins venus de Goma, de Bukavu, de Kigali, du Burundi, du Kenya…L’édition précédente par exemple, j’ai eu 12 nationalités qui ont contribué. Moi, quand je vois les gens qui m’écrivent des Etats-Unis, de l’Europe et qui me demandent de participer à l’évènement, je me dis que c’est un bon projet.
Avec votre communauté numérique (près de 200 000 abonnés sur Instagram) à envier et la notoriété que vous vous êtes déjà forgé, considérez-vous comme le mannequin le plus influent du Kivu ?
Si le je le dis, on va dire que c’est se vanter mais je n’ai rien à foutre, je suis le mannequin le plus influent du Kivu. Je vais le dire quand même. Tu sais dans notre métier, avoir le niveau que j’ai, oui il y en a qui ont plus que moi, c’est quelque chose à féliciter. Je demande aux gens de me féliciter. Je suis à 10 pourcent de ce que j’ai prévu. Je suis parmi les personnes les plus influentes du pays car je ne suis pas seulement connu à Goma ou à Bukavu, je suis aussi connu au Nigeria, en Belgique. si tu essaies de voir mon compte Instagram, les gens qui me suivent les plus ne sont pas de Bukavu ni de Goma, ce sont de personnes qui vivent en dehors du Congo. Tout ça pour dire que si on essaie de s’unir, on peut aller loin.
Quels sont vos modèles ? Quel est conseil que vous pouvez prodiguer aux jeunes qui rêvent de faire carrière dans la mode ?
Je n’ai pas de modèles, je suis mon seul modèle. Je crée mon image à ma façon. Quand on parlera de moi, je vais que cela soit unique. Je vais être les exemples pour les autres mais je ne vais pas avoir d’exemple.
Vous savez, quand on fait ce genre de métier, la première chose qu’il ne faut ne pas voir c’est l’argent. L’argent ; c’est un mauvais maitre. C’est pourquoi moi je ne recrute pas dans mes évènements les gens qui viennent pour l’argent, mais plutôt les gens qui sont motivés par la passion. Moi, je suis quelqu’un qui ai dépensé beaucoup d’argent pour devenir ce que je suis aujourd’hui. Je leurs demande de travailler dur parce que il y a de gens qui nous traitent de gay, voleur, escroc,.. mais je n’ai pas abandonné pour les donner raison. J’ai 6 ans de carrière mais je peux te dire que j’ai commencé à avoir les fruits de mon métier à la cinquième année. Il y a eu même une fois que moi-même je me suis payé les billets d’avion, l’hébergement, j’ai négocié pour que je défile dans un évènement et je n’ai eu rien en retour. Mais quand même, j’ai mis cet évènement dans mon portfolio et ça m’a donné une autre image envers d’autres pays, les gens, les partenaires.
David Kasi/Nord-Kivu