Puisque c’est acté : Kinshasa est une ville des embouteillages, même s’il ne caracole pas à la tête de l’indice tomtom ni celui de Numbeo…, qui captent le Traffic dans les villes. Cette situation n’est pas sans incidence : il n’y a pas de « free lunch » (repas gratuit) comme dirait les économistes. Alors à combien payons-nous ce désordre relativement assumé par l’élite dirigeante ? Naturellement, les embouteillages ne sont pas gratuits économiquement. Les études montrent partout ailleurs que les embouteillages débouchent toujours sur un lourd tribut économique et, à mesure que cela s’écorce, le coût s’amplifie.
En Chine par exemple, la tarification routière augmenterait la vitesse de circulation de 11 % dans le centre-ville et entraînerait un gain de bien-être annuel de 10,2 millions de dollars grâce à la réduction des embouteillages et des revenus de 71,7 millions de dollars. Les données congolaises (et particulièrement kinoises) n’étant pas vraiment disponibles sur le trafic routier, la densité, la vitesse, les heures exactes perdues dans les embouteillages, il est difficile de calculer le coût économique réel de ces embouteillages.
Une perte d’environ 3,5 millions USD par heure
Cependant, les estimations grossières, calculées par moi-même, pourraient aller jusqu’à une perte annuelle de 3,5 millions de dollars pour une heure d’embouteillage pendant les heures de travail, en considérant seulement la valeur ajoutée dans le secteur tertiaire de l’économie kinoise et avant la Covid-19. Derrière ce chiffre, le mécanisme est simple : les bouchons font perdre du temps de travail d’une part et affecte le facteur de production, en plombant la force physique et mentale du travailleur. Or, la productivité horaire est le rapport de la production sur le produit de la durée du travail (heures travaillées) et la quantité de travailleurs (population en emploi). Au final, étant donné cette équation, la production de la capitale congolaise est affectée négativement, parce que perturbée par les bouchons.
A côté, les embouteillages surenchérissent le coût pour les entreprises. En effet, celles-ci doivent dépenser davantage pour le carburant pour une production constante, si pas moins étant donné que le facteur de production sus-évoqué est déjà en-dessous de son potentiel effectif pour la raison évoquée ci-dessus. Aussi, ces bouchons réduisent le profit des propriétaires de taxis et la valeur ajoutée du secteur de transport, en accroissant le coût des inputs.
Pour les entrepreneurs privés de ce secteur, ils sont contraints de payer chers les embouteillages, qui se traduisent à la fin de la journée par un « versement » inférieur à celui déterminé a priori dans le contrat avec son chauffeur. Un calcul simple, en partant de l’idée que le taxi ne fonctionne pas au moins un jour par semaine et que le trafic urbain est relativement fluide au moins 3 mois et un demi (vacances scolaires, fériés, etc.) et un bonus d’un jour par semaine où la circulation serait fluide, nous amène à une perte représentant au moins 60% du PIB par habitant annuel du propriétaire de taxi en 2022 (si on considère seulement une perte de 2 litres de carburant au taux du jour et par embouteillage journalier).
Il est également important de noter que l’économie de ce secteur prend un coût et affecte la valeur ajoutée de ce secteur, qui représente en moyenne 4% de la production de la ville de Kinshasa (dans l’hypothèse très optimiste, cette part vaudrait 738 millions d’USD en 2019 avant la Covid-19). Les perturbations liées aux embouteillages, en accroissant le coût du carburant qui se multiplie au moins par trois en termes de consommation pendant le trafic congestionné, se répercutent sur la production de ce secteur ; ce qui de manière informelle mais réelle rend plus cher le transport, notamment de marchandises au profit des chauffeurs. Ces augmentations se traduisent de fois sur de petites poussées des prix des produits de grande consommation, parce que les chaînes d’approvisionnement enregistrent des retards et donc une perturbation.
Le coût n’est pas qu’économique, mais également écologie
Autant le dire : le coût n’est pas qu’économique. Il y a également l’écologie ou l’environnement. La congestion de la ville est intimement liée à l’augmentation des émissions des automobiles (concentrations d’émissions d’hydrocarbures, de monoxyde de carbone et d’oxydes d’azote), ce qui finit par dégrader la qualité de l’air ambiant. On estime normalement que ces émissions ont tendance à doubler pendant les trafics aux heures de pointe qu’au cours des périodes de circulation fluide. Or, les bouchons font durer ces heures de pointe, explosant de facto ces émissions.
Le graphique ci-après montre que la qualité de l’air à Kinshasa (pour la journée du 06 novembre et celle du 07 novembre 2022. La ligne pointilleuse du graphique définit le niveau normal de la qualité de l’air.). Il appert que cette qualité se dégrade davantage aux heures où les entreprises ferment et le matin. De toute évidence, la situation observée dans ce graphique peut être vérifiée pour les autres jours. En outre, la carte de la pollution lumineuse indique clairement les endroits les plus pollués de la ville. Il s’agit essentiellement de la partie de la ville où les activités de type tertiaire (secteur financier, commerce, communications, tourisme, etc.) sont concentrées. Gombe y fait partie.
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