C’est une tradition. Le dernier trimestre a toujours été très fécond pour les artistes musiciens congolais qui tentent, chacun à sa façon, de marquer l’année pour la terminer en beauté. Même le covid 19 n’aura pas empêché nos artistes de respecter cette tradition.
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Bien plus, le crû 2020 de la discothèque congolaise nous aura réservé des surprises. Des artistes, et non des moindres, se sont livrés à l’exercice.
A tout seigneur tout honneur, c’est le PR05 en personne qui a ouvert le bal. Alors qu’on l’attendait dans une longue composition, style Franco Lwambo des années 80, voici Fatshi qui crée la surprise avec « 6 minutes ». Dans un message à la nation, il annonce un grand bal populaire ouvert à toutes les cultures et coutures, à toutes les idées créatives, olingi okoti, ya ofele, pour s’émanciper un peu de cette musique composée il y a deux ans à Naïrobi où il avait l’impression de danser du mauvais pied. 6 minutes chrono. Pas plus. La formule a fait mouche avec en toile de fond la promesse de revenir vers le public, le temps d’affiner les derniers réglages du grand bal de fin d’année. Du jour au lendemain, « 6 minutes » a gagné 10 points pour se hisser à la 2è place du très disputé hit-parade de la musique congolaise. Une rumba musclée, chantée sur un ton martial, limite rock, que tous les fans reprenaient déjà en cœur dès le lendemain dans les bistrots de Kin-Makambo, surtout vers la dixième rue Limete . « Suka na Composition », « Tolié bango 10 points », entendait-on dire dans les malewa et dans les bureaux cossus du Palais du bord du fleuve ! Sur toutes les radio, les télés, les réseaux songi-songi, « 6 minutes » passait en boucle. Dans les taxis, les bus, les taxi-bus, les passagers étaient servis. Même les incontournables taxi-motos avaient doublé d’ingéniosité. Des wewas ont carrément accroché des enceintes géantes sur leurs motos pour diffuser à grands décibels « 6 minutes ».
A l’association des chroniqueurs de musique du Congo, l’immortelle ACMCO , la chanson de l’année était trouvée. La messe était dite, on attendait plus que le jour j pour la remise des trophée au meilleur artiste de l’année. Selon certains proches de PR5, la chanson « 6 minutes » lui avait été concoctée par un vieux druide rappelé au service alors qu’il coulait tranquillement ses vieux jours de retraite « artistique » à savourer ses tomates. Une passion héritée des années Mobutu.
Il n’en fallait pas plus pour plonger les fans de YE MEYI dans la grisaille. YE MEY, ce grand compositeur tapis dans l’ombre qui, pour la première fois, se voyait obligé de sortir de sa tanière de Kingakati afin de rassurer ses fans. Lui qu’on disait avare de parole, sortit brusquement de son mutisme pour prendre le micro. L’heure était grave. Il fallait battre le rappel des troupes visiblement secouées. Certains de ses compagnons de première heure, malgré eux, dansaient déjà au rythme endiablé de « 6 minutes » quand d’autres, après avoir retourné leur veste, s’invitaient ouvertement à la grande fête « Olingi-okoti -ya -ofele » qui bat son plein au Palais du Bord du Fleuve. YE MEYI avait perdu son flegme. Lui le spécialiste de formules brèves et incisives était débordé sur son propre terrain. Il fit venir ses atalaku de première heure pour trouver la réplique adéquate. En vain.
C’est alors que l’un deux proposa à YE MEY d’aller consulter une sorcière oubliée aux confins de la route nationale numéro 2, sur la rive gauche du Kasaï. La sorcière avait autrefois rendu de précieux services au défunt père de YE MEI. Elle proposait les mêmes services au fils, mais ce dernier ne la prenait pas au sérieux. L’occasion était belle pour la Mamu Nationale- c’est ainsi qu’on l’appelait affectueusement au village- de prouver qu’elle n’avait pas encore dit son dernier mot, et qu’on l’avait poussée un peu trop vite à la retraite. Sortie d’une longue hospitalisation, encore convalescente, Mamou Nationale s’enferma trois jours dans son labo mystique. A sa sortie, elle composa la chanson magique : « INGRATITUDE ». Pour une chanson, c’est plutôt un pamphlet satirique, un « jeton » comme disent les Kinois, une « Mbokela » digne de Franco Lwambo des années 80. Le Grand Maître de la Rumba congolaise n’en finit plus d’inspirer les nouvelles générations. Même Beyoncé Knowless est allée à sa source pour une vidéo de son album visuel ! Mamou nationale ne s’en est pas privée. Par la magie des réseaux Songi Songi, « Ingratitude » a été lâchée le 16 novembre, en toute clandestinité. Elle dure presque 6 minutes, comme une réponse du berger à la bergère. Une vraie boule puante qui fit disperser les innombrables invités au bal du Palais du bord du Fleuve. En dépit du port du masque obligatoire, covid oblige, l’odeur d’Ingratitude était si forte que les barbouzes décidèrent de mettre hors d’état de nuire la vieille sorcière. Mamou Nationale fut amenée manu militari dans les cahots mal réputés de l’ANR, les mêmes que PR05 avait pourtant promis de fermer il y a deux ans.
« Si c’est pour importuner notre PR05 tant aimé, je préfère qu’on crée d’autres cachots du genre pour enfermer les importuns ! » vocifère un Wewa, très fâché. Un invité du Palais, costume rouge, assortie d’une cravate verte, qui venait d’être reçu par PR05, ajouta au micro de la Réténecé, la télé publique nationale : « on ne peut pas manquer du respect à notre chef à ce point.».
On avait vite oublié que Mamou , par la puissance de ses fétiches, était une icône nationale, que tout le monde autrefois, dansait à la magie du Mutwashi avec ses coups de reins endiablés. Son arrestation fit lever un concert d’indignations, même à la Monusco ! C’est pour dire.. Touche pas à Mamu nationale ! Dans les contrebas de Kin-la-versatile, Kin-la-rebelle- les même bars et Nganda qui chantaient et dansaient « 6 minutes » depuis presque 2 mois, ont brusquement changé de registre. Sur leur play list, c’est désormais « INGRATITUDE ». qui trône depuis 48 heures !
La fin de l’année promet d’être palpitante. Elle nous réserve d’autres compositions surprenantes. L’ACMCO a revu ses prévisions et décidé de ne boucler sa liste de meilleurs de l’année que le 31 décembre 2020 !
PR05 avait promis de revenir vers nous. Mbok’elengi !
Par Léon KHAROMON